Les Apocryphes

Jens Schröter : Les Evangiles Apocryphes. Jésus en dehors de la Bible, Editions Labor et Fides, Genève 2022, 206 pages.

La traduction française rocailleuse et malaisée de l’original allemand ne devrait pas décourager le lecteur de cette excellente introduction à la littérature apocryphe. La compétence et l’autorité de son auteur, professeur à l’Université Humboldt de Berlin, sont reconnues par les spécialistes bibliques.

L’intérêt de cet ouvrage est qu’il ne se prononce pas sur l’orthodoxie du contenu de cette littérature, mais plutôt sur l’histoire de sa transmission et, plus encore, sur sa composition littérale, à partir d’une tradition manuscrite aux épisodes souvent surprenants et parfois compliqués.

Un autre avantage de ce livre est de nous présenter succinctement chaque ouvrage ou embryon d’ouvrage désigné sous le terme « apocryphe » regroupé sous un thème particulier relatif à Jésus de Nazareth. Cela peut être sa naissance et son enfance, ses paroles, sa mort et sa résurrection. Bref, une vision synthétique de ce qui a été dit et écrit sur Jésus hors des quatre évangiles dits « canoniques » officiels, exclusivement reconnus par les Eglises chrétiennes du deuxième siècle.

C’est Irénée de Lyon qui serait l’arbitre de ce choix entre « évangiles et évangiles ». Car, selon notre auteur, les écrits qu’il introduit sont également des « évangiles » et pas du tout « apocryphes » ou « cachés », comme l’étymologie pourrait à première vue le suggérer.Ils reflètent à une période donnée et dans une société chrétienne particulière ce qui peut éveiller le souvenir de Jésus de Nazareth. Ce sont des écrits « mémoriaux » qui ne se préoccupent pas de l’authenticité et de la vraisemblance des faits qu’ils racontent, mais de l’écho que l’évocation de la personne de Jésus suscite dans l’âme humaine. Ainsi, Jens Schröter rapproche ces écrits des reproductions artistiques qui mettent en scène le Christ, des oratorios de Schütz ou de Bach qui évoquent sa naissance ou sa mort et même de réalisations cinématographiques comme « Jésus de Montréal » qui nous mettent sur le chemin de sa résurrection.

Au total, un immense recueil d’images, d’élévations et de réflexions sur le Christ. Les quatre écrits dits « canoniques » bénéficient d’une place privilégiée dans cette anthologie. Tous ces « évangiles », à leur manière et selon l’époque de leur rédaction, ont mission de nous rendre accessible ce Jésus qui est au-delà de nos histoires, mais qui les traverse toutes.

Gageons que cette introduction amènera quelques lecteurs à lire les écrits eux-mêmes auxquels ce livre fait référence mais sans les citer intégralement. Leurs éditions et traductions complètes ne font pas défaut. Elles sont devenues monnaie courante de nos jours.