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Les enfants de la drogue

  • Fr. Guy

Un film suisse poignant

Je viens de visionner dans une salle obscure genevoise, quasi dépeuplée hélas, le film du réalisateur suisse Pierre Monnard : « Les enfants du Platzspitz ». En allemand, version originale du film, « Platzspitzbaby ». Un scénario inspiré du récit autobiographique de Michelle Hallbeer : « Meine Mutter, ihre drogen und ich ». En français : « Ma mère, ses drogues et moi ».

Un film qui sans être un chef-d’œuvre cinématographique est riche d’une charge émotionnelle très dense. Ne serait-ce que par le drame qu’il met en lumière dont les faits ne sont pas si éloignés de notre époque et habitent encore nos souvenirs. Ajoutez le jeu scénique exceptionnel des deux protagonistes, une mère et sa fille, sur lesquelles la caméra jette un regard à la fois incisif et respectueux.

 

Mais venons aux faits. Zurich, Platzspitz dans les années 80-90 du siècle dernier. Un ghetto que fréquentent drogués et droguées, vers lequel courent les amateurs d’herbe, de cocaïne ou d’héroïne. La police, dépassée par les événements, leur a abandonné cet espace, ainsi que le Letten voisin, jusqu’au jour où les autorités municipales firent « nettoyer » ces lieux et renvoyer leurs occupants dans leurs communes d’origine. Michelle Hallbeer, l’auteure du livre qui a donné naissance au film, était alors un enfant qui fut refoulé avec sa mère droguée vers un village de la région zurichoise. Cet exil involontaire ne fut pas suffisant pour guérir sa mère qui continua à se doguer, à fréquenter ses anciens partenaires et même à se servir de sa fille pour se procurer la « came » dont elle avait besoin.

Le film ne se veut pas un reportage sur l’enfer de la drogue et des toxicomanes, mais reproduit le calvaire d‘un enfant qui en est la victime innocente. Un malheur particulier qui s’ajoute à tous ceux, déjà trop connus, qui caractérisent l’enfance malheureuse.

Le film laisse apparaître le déchirement de cet enfant (Mia qui tient dans le film le rôle de Michelle), tiraillée et partagée entre l’amour qu’elle porte à sa mère mais aussi à son père divorcé qu’elle ne peut voir qu’une fois le mois. Attirée aussi par l’univers de l’école et des amis et amies de son âge, un milieu nécessaire à son équilibre et à fixer son identité. A son secours, des services sociaux officiels, sans doute bienveillants, mais incompétents et donc inefficaces.

Et Dieu dans tout ça ? Apparemment aux abonnés absents. Quoique… J’ai connu à Zurich dans les années 90 une religieuse qui passait ses soirées à rencontrer sur des trottoirs pas trop éloignés des rives de la Limmat des femmes prostituées et droguées. Certaines avaient des enfants qui par bonheur ne vivaient pas sur ces lieux, mais des enfants tout de même séparés de leur mère, pour ne rien dire de leur père. Il m’est arrivé à deux ou trois reprises d’accompagner cette Sœur dans sa pastorale nocturne. J’avais le cœur serré en l’écoutant converser avec ses « amies ». Sa seule présence témoignait de la tendresse de Dieu pour ces « enfants perdus ». Certaines de ces femmes la retrouvaient chez elle, dans sa communauté. L’amour donné est le premier pas qui conduit à la résurrection.

Par chance, nous disposons maintenant d’une traduction française de l’original allemand Platzspitzbaby.  Meine Mutter, die Drogen und ich de Michelle Halbheer, paru en 2013 chez l’éditeur Wörterseh à Lachen et qui connut un réel succès. L’ouvrage s’est vendu à plus de 40.000 exemplaires.

A l’occasion de la sortie en Romandie du film éponyme, le même éditeur publie donc cette année 2020 la version française de l’original allemand sous le titre : « Les enfants du Platzspitz. Ma vie avec une mère toxicomane », 188 pages, ouvrage disponible en librairie.

image : Evan-Amos/Wikipédia (domaine public)

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