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Jardin conventuel

  • Fr. Guy

Quand les dominicains se prélassent

L’histoire biblique débute dans un jardin et se termine dans une ville. Les dominicains, en général, sont fidèles à cette évolution. La plupart n’ont pas la main verte, mais plutôt des yeux usés par les in-folio et des pieds fatigués à courir les rues et les places. Vous ne les trouverez pas au clair matin ou au soir tombant affalés sur un banc public, contemplant une roseraie dont ils ne soupçonnent peut-être pas l’existence.

Il est vrai que leur Père Dominique, pourtant fils d’un hobereau castillan, a voulu que ses fils s’établissent au cœur des cités ou, du moins, comme ce fut le cas jadis à Genève, accrochés aux remparts de la ville. Assez éloignés de la poésie franciscaine et des champs de lavande des moines du Lavandou.

Le hasard plus que le choix des hommes fit que mon couvent actuel présente les traits d’une villa de banlieue, plantée dans un ravissant jardin. Bien plus vaste à l’origine, avant que ces intellos de prêcheurs se mirent en tête de le ratisser en profondeur pour laisser place à un cimetière de livres qu’il leur arrive, comme au prince charmant, de réveiller à l’occasion.

Je me souviens encore du dépit du frère aîné de l’époque d’avoir dû assister à ce désastre, lui qui prenait un soin jaloux à faire fleurir et produire le moindre espace de la parcelle. Son compagnon d’âge fut plus réaliste. Il se contenta de planter un néflier dans un petit coin de gazon épargné par le bulldozer qui creusait la future bibliothèque. Cette petite graine est devenue aujourd’hui un gigantesque arbre aux oiseaux qui me nargue face à mes fenêtres, tout en me narrant une merveilleuse parabole d’évangile.

Ce que j’apprécie le plus au printemps, ce sont les perce-neige, crocus et autres pâquerettes qui pointent le bout de leur nez dans le grésil ou la neige qui persiste encore le long des allées gelées. Autre parabole. Pascale, celle-là.

Il nous arrive aussi de déguster quelques cerises que les « merles moqueurs » nous ont généreusement abandonnées et même, si nos prières de rogations furent intenses et efficaces, une poignée de pruneaux ou une petite corbeille de pommes. Pour le reste, quelques pivoines, jonquilles et iris, deux ou trois plants de lavande, tout cela poussé Dieu sait comment. Car il va sans dire que notre jardinet ignore les pesticides et les engrais artificiels. Conviction écologique ou nonchalance ? Je vous laisse le choix.

Mais que serait notre jardin s’il n’était pas animé. Je ne vois guère de frères folâtrer entre ses allées. Encore moins d’autres qui, faute de piscine, seraient tentés par un bain de soleil.  Mais il arrive que les hérissons s’y risquent. Et ils ne sont pas les seuls. Depuis que l’un de nous a entrepris de les nourrir, les écureuils viennent quasiment cueillir leurs noix dans ses mains. Et je ne dis rien des chats errants qui disposent de leur mangeoire et abreuvoir, ni des oiseaux du ciel qui « ne sèment ni ne moissonnent » mais trouvent en toute saison de quoi se nourrir. Notre frère, comme le poverello d’Assise, connaît leur langage et peut intervenir pour apaiser leurs querelles. Il arrive en effet que les pies s’en prennent aux corneilles, à moins que ce ne soit l’inverse. Il sait aussi garder les pigeons à distance respectable des humains, sans toutefois les tenir en laisse, comme le faisait François avec le loup de Gubbio.

Que de raisons pour vous donner envie de venir nous voir. Nous sortirons même nos chaises de jardin pour vous recevoir.

Dans le jardin entre le couvent St-Dominique et l'église St-Paul à Cologny (photos pour cet article : la rédaction)

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