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Les moniales de La Clarté et Philippe Jaccottet

  • Fr. Guy

Nouvelle pièce au dossier

Décidément, Philippe Jaccottet et son opuscule « La Clarté Notre-Dame » font encore parler d’eux. Un « Trait Libre » de l’Echo-Magazine (22 avril 2021) remet l’affaire sur le tapis. Son auteur, Yvan Mudry, se présente comme « essayiste ». En fait, c’est un auteur bien connu en Romandie.

Yvan Mudry veut déceler, comme j’a tenté de le faire moi-même, un frisson religieux éprouvé un jour par Philippe Jaccottet, le poète vaudois agnostique, à l’écoute du tintement d’une cloche cristalline qui appelait à la prière les moniales dominicaines de « La Clarté Notre-Dame » de Taulignan, en Drôme provençale.

Mieux vaut citer Yvan Mudry que bavarder sur ce qu’il écrit ;

« Et voilà qu’à la fin du texte, il (Phiippe Jaccottet) fait une confession pour décrire l’effet provoqué sur lui par le son de la cloche. Il évoque une ‘rencontre, inattendue souvent, inespérée, et pourtant… peut-être poursuivie en le cherchant, du sacré’.

‘Sacré’, le mot est lâché, Jaccottet reconnaît donc la pertinence du vocabulaire de la croyance. Quelle surprise !

Pour le poète (…) certaines émotions ne s’expliquent que par la présence d’un je-ne-sais-quoi sortant de l’ordinaire. Oui, il nous arrive de faire des expériences dont les circonstances du moment, l’état d’esprit ou le sens du beau ne permettent pas de rendre entièrement compte. Certaines émotions ont partie liée avec le sacré.

Cette affirmation permet de mieux comprendre la nature profonde du religieux. Celui-ci n’est pas d’abord affaire de rites, de dogmes, de morale ou de communauté. Il tient de l’événement, de l’inscription de quelque chose d’énigmatique dans la vie, parfois un certain lieu, un certain jour. Ce qui arrive ainsi fait du monde une demeure accueillante, c’en est fini du sentiment de solitude, l’heure est à la joie. En même temps, il y a là comme une espèce de parole, d’appel ou de rappel.

Sans le dire, le poète délivre ainsi cette leçon : s’il n’est pas lié à une expérience personnelle forte, inoubliable, le religieux n’a pas d’assise. C’est sans doute parce qu’il ignore cette vérité, que, pour beaucoup, le christianisme institutionnel a désormais perdu tout attrait. » (L’Echo Magazine No.16, 22 avril 2021, 9)

Manifestement, Yvan Mudry souhaite confirmer par Jaccottet sa propre perception du « religieux ». Le « sacré » est le lieu où il apparaît. Un sentiment au contenu indéfinissable, une émotion, un « ressenti », plutôt que la perception d’un objet ou d’un sujet qui fait face. Voilà qui conforte les innombrables partisans contemporains d’une spiritualité vague et diffuse, sans arrêtes précises. Elle pourrait n’être que le reflet de leur sensibilité.

Je reste convaincu que la foi en Dieu naît d’une expérience personnelle. Mais cette expérience, quelle que soit sa nature, n’est que le signe d’une présence qui m’est offerte. Le buisson ardent est un lieu « sacrée ». On ne s’en approche pas sans enlever ses sandales. Mais le buisson n’est que le signe d’une présence. Il n’en donne pas le nom. Il faut encore que Dieu parle pour que Moïse le connaisse.

Non, le christianisme n’ignore pas cette « vérité ». La foi ne va pas sans expérience personnelle. Mais cette expérience doit être dépassée. La foi ne peut se contenter de ressentir le « sacré ». Elle doit encore l’explorer et tirer les conséquences de sa découverte. Beaucoup redoutent cette exigence et s’arrêtent au milieu du gué.

Le monastère de La Clarté Notre-Dame à Taulignan (photo : dominicaines-taulignan.fr)

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