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L’Ordre du Temple Solaire

  • Fr. Guy

Retour sur une tragédie

La RTS diffuse un documentaire sur une tragédie qui nous a émus et perturbés voici bientôt trente ans. A savoir, le suicide collectif ou l’assassinat prémédité de ce qui restait d’adeptes de « L’Ordre du Temple Solaire ». Un drame en quatre actes : à Cheiry dans la Broye fribourgeoise, à Salvan en Valais, au Québec et dans le Vercors français. Des archives, jusque là ignorées, ont été exploitées par les réalisateurs du documentaire. Ils ont aussi diffusé des interviews de rescapés de la secte, comme le chef d’orchestre Michel Tabachnik qui après de longues hésitations a fini par se mettre à table.

Au départ de ce sinistre fait divers, une « fraternité » qui se réunit dans un manoir de Saconex-d’Arve, petit village de la campagne genevoise. Un groupe d’amis écolos, innocents et inoffensifs, qui tombent sous la coupe de Jo Di Mambro et de Luc Jouret, deux individus épris de spiritisme, d’ésotérisme et férus d’histoire farfelue relative à l’Ordre médiéval du Temple.

Influencé et exploité par ces deux gourous, le groupe initial s’élargit, se divise, se structure et devient une secte d’élus et d’initiés, vivant au milieu d’un monde qui va à la dérive. Mais l’éternité leur est promise au terme d’un « transit » vers l’étoile Sirius. De là, la secte, porteuse de vie, fera refleurir une nouvelle humanité.

Le « transit » fut sanglant pour une cinquantaine d’hommes, de femmes et d’enfants. Consentants ou contraints, on ne le saura jamais avec exactitude. Les deux gourous se sacrifièrent ou furent sacrifiés dans un chalet de Salvan, en Valais.

Je médite sur cette tragédie. Me viennent à l’esprit des analogies avec certaines croyances chrétiennes, revitalisées ou déformées sous les effets de la crise multiforme que nous vivons présentement. J’en mentionne quelques unes.

Au départ, un groupe d’amis et d’amies heureux de se rencontrer et vivre ensemble dans un cadre naturel un temps de ressourcement « spirituel » et de solidarité. N’est-ce pas une figure d’Eglise, elle aussi « fraternité en transit », en marche vers un univers bienheureux, hors d’un monde perturbé ? Cette fraternité, comme celle de l’Ordre du Temple Solaire, n’a-t-elle pas ses guides pour la conduire vers les « verts pâturages », là où coulent le lait et le miel ? L’Eglise dispose de tels guides accrédités, des maîtres qui consignent leur enseignement dans des Ecrits qui font loi. Le Livre de l’Apocalypse est de ceux-là. Il encourage les chrétiens à traverser leurs épreuves quotidiennes en faisant miroiter sous leur yeux un avenir radieux. Pour utiliser un jeu de mots contestable, je dirais que l’Apocalypse trace un chemin qui conduit hors de l’apocalypse.

Mais là s’arrêtent les similitudes. Les chrétiens n’ont jamais dit que la création était mauvaise, mais qu’elle avait besoin d’être guérie. Ceux que le Christ appelle à sa suite n’appartiennent pas à un monde déchu, mais ils vivent toutefois dans un monde qu’ils s’appliquent à transformer. Les Béatitudes les renvoient à leur devoir de douceur, de miséricorde, d’architecte de la paix. Loin de former un groupe de purs fermés à toute influence extérieure, les chrétiens ont les mains dans le cambouis.

De plus, l’enseignement qu’ils reçoivent n’a rien d’ésotérique, de réservé à un groupe d’initiés. Les chrétiens, contrairement aux sectaires ou autres gnostiques, ont reçu la mission de proclamer haut et fort l’enseignement qu’ils ont reçu sans rien cacher.

Finalement, leur Maître par excellence, le Christ Jésus, n’a pas l’étoffe d’un gourou. Il n’oblige personne à le suivre ; il n’exploite pas ni ne viole ses disciples. Surtout, il ne les conduit pas à la mort, même s’il accepte la sienne pour les délivrer de la leur.

Ces réflexions ne concernent pas seulement une page sombre de notre histoire définitivement tournée depuis plus d’un quart de siècle. Elles pourraient peut-être nous interpeler sur des drames vécus par notre Eglise contemporaine et qui auraient pu dériver de semblable manière. Des révélations douloureuses sur le comportement d’hommes et de femmes que l’Eglise tenait en grande estime nous rappellent que l’ivraie, si on n’y prend pas garde, pousse avec le bon grain dans nos cœurs et nos esprits et dans nos sociétés aussi. 

 

Le bûcher des Templiers dans une illustration d'une chronique anonyme, « De la création du monde à 1384 » (image : Bibliothèque Municipale, Besançon, France. Erich Lessing/Art Resource, NY. Wikipédia.)

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