Louis Charlier – Rosaire Gagnebet

J’avoue humblement que la Revue Thomiste n’est pas mon livre de chevet. Cependant, je ne puis m’empêcher de jeter un œil distrait sur le sommaire de chacune de ses livraisons. Parfois un titre, le plus souvent un nom, attirent mon attention.

Ainsi, le sommaire du dernier numéro paru (octobre-décembre 2019) réveille en moi de vieux souvenirs liés au Père Louis Charlier qui fut jadis mon maître de noviciat au couvent de Notre-Dame de La Sarte en Belgique. Je croyais son nom définitivement effacé de la mémoire des humains. Et bien non ! Le frère Henri Donnaud vient de remettre à jour le conflit qui avait opposé dans les années 30 du siècle dernier ce jeune dominicain belge, assistant à la Faculté de théologie de Louvain, à Rosaire Gagnebet, dominicain lui aussi, professeur à l’Angelicum de Rome. La raison du conflit portait sur le statut de la théologie et du thomisme en particulier.

Le jeune Charlier avait exprimé ses idées dans un ouvrage paru en 1938 intitulé : Essai sur le problème théologique. Cette publication provoqua l’ire de Rosaire Gagnebet et de ses collègues proches du St-Office. Le conflit s’acheva en 1942 par la mise à l’index de l’Essai et la punition de son auteur. Le pauvre Louis Charlier fut relégué dans un obscur « couvent de ministère » perdu dans ce qui était alors le pays noir wallon. Mais, nécessité faisant loi, ses supérieurs vinrent le repêcher plus tard pour pallier au manque de professeurs de leur studium de La Sarte.

Je ne suivrai pas Henri Donnaud dans le dédale de ses explications visant à rapprocher aujourd’hui les points de vue des deux frères antagonistes. Le mal est fait.  Je préfère m’en tenir à un souvenir vivant. Jamais, au grand jamais, je n’ai entendu mon père-maître évoquer devant ses novices cette étape douloureuse de sa vie. Là réside sans doute sa vraie grandeur.