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L’univers des mariophanies

  • Fr. Guy

Un Dictionnaire pour s’y repérer

Une lourde brique de 961 pages pèse sur la table de mon bureau. Les éditions du Cerf n’ont pas hésité à la faire paraître. Son titre ? Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie. Entre légende(s) et histoire. Une œuvre de l’historien des religions Joachim Bouflet qui se présente comme un « spécialiste des phénomènes de piété, de miracles et de sainteté ». Il s’est déjà fait connaître par son livre Fatima publié aux mêmes éditions.

Donc un ouvrage de consultation qui contient un nombre impressionnant de rubriques diversement classées. Par chance, deux précieux index indiquent les lieux des apparitions et les noms des voyants et voyantes qui en ont bénéficié. Le lecteur pourra donc trouver ses repères dans cette jungle « surnaturelle ».

Bouflet n’est pas le premier explorateur à risquer cette aventure. D’autres s’y sont essayés avec moins de bonheur, sans ordre ni références précises. Son Dictionnaire, au contraire des leurs, commence par quadriller la forêt pour faciliter le parcours de ceux qui seraient tentés de la pénétrer et même de la traverser.

Les entrées du Dictionnaire sont donc regroupées sous des thèmes précis : le discernement des « mariophanies » –  les divers titres et fonctions de la Vierge qui apparaît (salut des malades, victorieuse des démons, secours des égarés, co-rédemptrice, etc.) – les déviation sectaires et schismatiques – les mariophanies du troisième millénaire. Sans oublier la section consacrée à « la galaxie yougoslave » où Međugorje tient la vedette.

Impossible dans cette note de porter mon regard sur toutes les apparitions. Je n’ai retenu que celles de Kibeho au Rwanda qui s’étendent du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989. Pour la bonne raison que je résidais à cette époque dans ce pays, prenant part à la mission des Dominicains suisses et canadiens présents au Rwanda durant une soixantaine d’années du siècle dernier. Je me suis même rendu sur les lieux d’apparition dans le but d’en écrire une relation aussi objective que possible pour la revue Dialogue dont la rédaction m’était alors confiée. Malgré ou à cause des ennuis que cet article m’a valu, je me suis toujours intéressé à cet événement.

A deux reprises, le Dictionnaire mentionne explicitement les apparitions de Kibeho (p. 47-54 et p. 708-709). J’avoue pour ma part qu’il le fait correctement, mentionne ses sources, en particulier les déclarations de deux évêques diocésains successifs. Le premier, Mgr Gahamanyi invite à la prudence, sans toutefois porter de jugement négatif ou positif ; le second, Mgr. Misago est affirmatif : « Oui, la Vierge Marie est apparue à Kibeho dans la journée du 21 nombre 1981 et dans les mois qui ont suivi. » Et d’ajouter, comme s’il voulait atténuer la portée de ce qu’il venait d’affirmer : « Il y a plus de raisons d’y croire que de le nier ». 

Joachim Bouflet fait remarquer que ce genre d’approbation épiscopale de l’apparition elle-même, et non seulement des bienfaits spirituels qui en découlent, n’apparaît qu’au 19ème siècle avec les apparitions de La Salette.

Selon mes informations et malgré les massacres et le génocide de 1994, particulièrement sanglants et odieux dans la paroisse voisine, les pèlerins continuent d’affluer à Kibeho. Un sanctuaire les accueille sous la regard d’un recteur nommé par l’Eglise locale.

Après avoir refermé le Dictionnaire, demeure une question qui mériterait d’être approfondie. Comment expliquer cette déferlante d’apparitions mariales dans l’Eglise catholique ? Bouflet les appelle « mariophanies » pour les distinguer d’autres manifestations de même style, mais plus confidentielles et discrètes, comme les révélations privées, le suintement des icônes et autres phénomènes semblables. La Révélation biblique ne suffirait donc pas à nous conduire sur le chemin de la foi ? Les apparitions non bibliques ont ceci de particulier qu’elles sont liées le plus souvent à un contexte historique contemporain, immédiatement perceptible et familier. D’où leur succès. Tandis que le discours biblique est plus lointain et exige d’être interprété pour être actualisé et personnalisé avant de parler au cœur de ceux qui l’entendent. Un indice ? Les pèlerins non chrétiens ou éloignés de l’Eglise se trouvent nombreux sur les lieux d’apparition. Sans connaître ni écouter « Moïse et les prophètes » (Luc 16, 31), ni même Celui qui incarne la Parole divine, que viennent-ils chercher en ces lieux ? La question reste ouverte.

© Éditions du Cerf

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