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Luther

  • Fr. Guy

Sous la loupe d’un cardinal

Non, il ne s’agit pas du cardinal Cajetan, mais de l’un de ses collègues contemporains, allemand celui-là, donc mieux à même de comprendre le moine de Wittenberg et même de partager plusieurs points de son programme réformateur. Je veux parler du cardinal Walter Kasper qui fut des années durant président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens.

Le 18 janvier 2016, Invité par la fondation Guardini, le cardinal Kasper donnait une conférence à l’université Humbold de Berlin. C’était donc l’année qui précédait les célébrations du demi millénaire de la réforme luthérienne. Une pieuse légende fixe le démarrage de ce mouvement ecclésial au 31 octobre 1517, jour où Luther aurait affiché ses thèses contre une muraille du château de Wittenberg. Le livre que nous recensons est une version revue et amplifiée de cette conférence dont la traduction française – excellente – a paru aux Editions du Cerf en 2017, sous le titre : Luther. Une perspective œcuménique.

Découvert par le recenseur tardivement et inopinément, ce livre est un authentique chef d’œuvre. Tant par sa concision et la richesse de sa documentation que par sa thématique claire et brillamment développée au fil d’une petite centaine de pages.

L’auteur distingue trois âges dans l’histoire de l’Eglise occidentale. Tout d’abord la « catholica » unissant tant bien que mal sous la double férule impériale et papale  des peuples nombreux et divers dans la confession d’une même foi. Lui succéda, avec la Renaissance et l’avènement des Etats nationaux, « le confessionnalisme » ou la naissance d’Eglises nationales ou régionales (« cujus regio illius religio »). Puis, à l’époque contemporaine, l’œcuménisme ou la recherche de l’unité dans le respect de la diversité.

Pour Kasper, Luther appartient à l’ère médiévale et le vœu  initial du moine de Wittenberg se limitait à réformer la « catholica », sans créer une nouvelle Eglise. Son action s’inscrivait naturellement dans la lignée des nombreuses tentatives de réforme qu’avait connues l’Eglise au cours de sa période médiévale. Ce fut pour obéir à sa conscience et face au refus du pape d’entrer dans ses vues que Luther franchit le pas décisif en brûlant la bulle papale qui le condamnait. Un acte  qui fit advenir une nouvelle Eglise, confiée au Prince pour l’organiser et finalement pour la diriger. Cette rupture marqua le début du confessionnalisme protestant ou catholique L’Eglise se replie sur ses particularismes locaux ou nationaux, plutôt que de s’affirmer universelle.

Kasper, protagoniste d’une Eglise réunie dans une perspective œcuménique, se réjouit toutefois de compter le jeune Luther parmi les alliés qui défendent cette cause qui lui tient à cœur. En particulier, il interprète l’idée-mère du réformateur – la justification par la foi – comme l’expérience de la miséricorde divine au cœur de tout croyant, fut-il luthérien ou catholique. 

On appréciera au passage quelques remarques judicieuses de l’auteur. Ainsi celle qui juge anachronique l’image d’un Luther champion de la liberté individuelle. Et, à l’évidence, le désintérêt ou l’indifférence des jeunes générations actuelles à l’endroit des divergences confessionnelles. Pour Kasper, la seule question urgente posée aux diverses Eglises chrétiennes est de faire naître ou renaître l’idée, pour ne pas dire la présence de Dieu, dans le cœur des humains. Cette tâche commune devrait les aider à dépasser leurs divisions. Aussi, préconisait-il pour marquer en 2017 l’anniversaire de la Réforme une manifestation œcuménique dont le seul thème eut été Jésus-Christ. J’ignore s’il fut entendu et suivi.    

© Éditions du Cerf

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