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Marc-Louis Passera

  • Fr. Guy

Un prêtre genevois hors du commun

Valentin Roten : Entretien sur la foi avec l’abbé Marc-Louis  Passera, Ed. Saint-Augustin, 2022, 151 pages.

Le 16 mars 2020 décédait subitement l’abbé Marc-Louis Passera, curé de la paroisse St-Joseph à Genève. Il avait d’abord été curé de celle de St-François de Sales à Chêne-Bourg, dans l’agglomération genevoise. Une crise cardiaque l’a terrassé dans sa soixante-deuxième année.

En période de confinement, les funérailles de ce prêtre et les « honneurs » publics qu’il aurait mérité qu’on lui rende furent discrets. C’est pourquoi l’un de ses fils spirituels, qui figurait aussi parmi ses admirateurs, l’avocat genevois Valentin Roten, a voulu réparer ce silence en publiant l’entretien qu’il réalisa avec l’abbé Passera, le 5 janvier 2020, quelques petites semaines avant sa mort prématurée.

L’avocat genevois avait bénéficié de l’enseignement de l’Abbé Marc donné à un groupe de confirmands adultes. Dès leur premier contact, Valentin fut impressionné et quasi subjugué par ce prêtre qu’il estime hors du commun. Tant par son érudition, son à-propos, sa sagesse que par sa foi mise à la portée de son interlocuteur grâce à un talent pédagogique exceptionnel lui aussi. Valentin Roten considère les interventions de  Marc Passera lors de leur ultime entretien comme un « testament spirituel ». Il l’a consigné dans un livre à l’usage d’autres personnes qui, à son exemple, s’interrogent sur leur foi chrétienne et sa pratique.

Avant de passer à l’analyse de cet entretien, dressons brièvement le portait de ce prêtre en suivant les dires de Valentin Roten, mais encore en faisant appel aux souvenirs personnels de l’auteur de ce blog qui a souvent croisé ses pas avec ceux de Marc, son frère en sacerdoce et son voisin à Genève. Un portrait qui ne peut être qu’une ébauche. La personnalité de Marc est si riche que ce serait le trahir que de n’en brosser qu’une épure. Contentons-nous de relever quelques traits saillants.

Marc et sa famille étaient des immigrés italiens en terre genevoise. Cette appartenance explique son bilinguisme, mais aussi son intérêt pour la langue et la culture de la Péninsule. Un pan entier de sa très riche bibliothèque était consacré à la littérature de son pays d’origine.

Cette identité explique aussi son intérêt pour toutes les questions relatives aux immigrés. Marc se sentait proche sur ce point du pape Bergoglio, lui aussi membre d’une famille d’immigrés italiens. Plusieurs passages de ce livre font part de ses opinions, pas toujours accordées à celles de Valentin, son interlocuteur suisse de souche valaisanne.

Mais Marc ne se laissa pas emprisonner dans ses origines transalpines. Son érudition n’avait pas de bornes, pas plus dans le temps que dans l’espace. A seize ans, l’adolescent lisait déjà « La nausée » de Jean-Paul Satre. Suivirent « Les mémoires d’une jeune fille rangée » de Simone de Beauvoir. Plus tard, Julien Green et de nombreux  auteurs anglais ou américains. Rien ne résistait à son appétit littéraire ou philosophique. A l’exception des romans d’Amélie Nothomb au sujet desquels quelqu’un avait sollicité un jour son appréciation.

Au sein de cet océan cultuel, un continent émergeait : la littérature russe classique avec son géant Dostoïevski et Tolstoï que Marc avait entrepris de lire à son tour. Cette russophilie a-t-elle été à l’origine de la passion de Passera pour l’orthodoxie russe, puis pour les Gréco-Catholiques de Roumanie dont il partageait la langue et auprès desquels il passait ses vacances ?

La théologie et l’ecclésiologie de l’Eglise d’Orient ont certainement déteint sur la doctrine que Marc avait héritée de ses maîtres occidentaux. Non qu’il fut indifférent aux études exégétiques et philosophiques – sa bibliothèque était tapissée de tels ouvrages – mais sa préférence allait à la lecture patristique de la Bible qui imprégnait ses homélies. Pour lui, comme pour les orthodoxes, l’Eglise et sa tradition sont prioritaires à toute entreprise réformatrice. Etonnante attitude de celui qui fut un temps président du « Rassemblement des Eglises et Communautés chrétiennes de Genève ». Son œcuménisme était loyal sans aucun doute et même amical, mais exigeant et sans complaisance. Je m’abstiens d’en donner ici des exemples pour aborder les « Entretiens » qui sont l’objet de ce livre.

Valentin, l’interlocuteur, les a regroupés en catégories, allant des questions abstraites aux problèmes concrets, tels que se les pose aujourd’hui un catholique soucieux d’éclairer sa foi et d’ajuster ses comportements à sa croyance. Les premières questions font référence à la foi mise à l’épreuve du doute ou confrontée à l’intelligence, au savoir ou même au cœur. En cause également, le libre-arbitre et la prédestination, son contraire.

Suivent les questions qui ont trait à l’existence de Jésus, à la fidélité de la transmission de l’histoire de sa vie et de son message. Que ce soit par les premiers disciples ou les Ecritures qu’il faut savoir traduire et interpréter.

Enfin, des problèmes contemporains qui interpellent la conscience catholique, comme l’immigration, la non-violence, l’argent, l’avortement, la situation de minoritaire dans une société qui n’est plus chrétienne, l’assistance au suicide et d’autres sujets qui ne peuvent laisser indifférent un jeune avocat genevois à la veille de sa confirmation. J’ai admiré à ce sujet le formulé de ses questions qui révèlent non seulement un esprit curieux et critique, mais un chercheur de Dieu, désireux de marcher sur le bon chemin. Bref, un authentique catéchumène.

Un véritable défi pour l’abbé Marc d’endiguer ce flot de problèmes. Il le fait à sa manière, toute autre occupation cessante. Pendant près de cinq heures à l’affilé, il se veut tout entier à l’écoute de son catéchumène. Il ne peut lui répondre que succinctement, tant le menu des questions est varié. Inévitablement, quelques lecteurs de ce livre se sentiront frustrés et quitteront la table en restant sur leur faim.

Pourtant les arguments développés par Marc ont tout pour plaire et convaincre. Ils sont enrobés de citations érudites empruntées à ses auteurs préférés, avec des pointes d’humour et une légèreté dans ses propos qui cachent mal ses convictions très fermes. Parmi toutes ses références, j’ai préféré celles qui évoquent directement ses activités pastorales ou d’autres faits de sa propre vie. L’approche de la vérité passe nécessairement par le feu de l’expérience.

Peu de réponses de Marc demeurent ouvertes cependant. Ou alors elles s’ouvrent à un approfondissement ultérieur et mettent en route celui à qui elles sont destinées. N’est-ce pas la finalité de toute catéchèse ?

Que conclure, si ce n’est plagier le grand saint Augustin ? « Tolle, lege ! », « Prends et lis ! », entendait-il un jour un enfant chanter cette comptine dans un jardin milanais. Ce fut le premier pas vers le baptême de ce brillant personnage.

Fais de même, cher lecteur ! Butine ce livre. Tu pourrais peut-être  en faire ton miel.  

L'abbé Marc-Louis Passera (image : prise d'écran/YouTube)

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