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Michel Grandjean

  • Fr. Guy

Historien libre

Au soir du 19 mai dernier, l’aula de l’université de Genève débordait de collègues, étudiants, amis et admirateurs de Michel Grandjean, jusque-là professeur ordinaire d’histoire ecclésiastique à la Faculté autonome de Théologie protestante de cette université. Nous étions plus d’une centaine invités à prendre part à la « leçon d’adieu » de ce maître très estimé.

Les trop rares occasions où il m’a été donné d’entendre une intervention de Michel Grandjean ou de lire une de ses publications – par exemple, son livre « La réforme. Matin du monde moderne », paru en 2016 – m’ont permis de découvrir un historien en liberté, affranchi de présupposés dogmatiques ou idéologiques, ne se fiant qu’aux seuls instruments de recherche – toujours réformables – reconnus dans son métier.

Très respectueux par ailleurs des interprétons que les croyants donnent à leur histoire, Michel Grandjean recueille sans les juger tous les credo et professions de foi qui ont émaillé deux millénaires de tradition chrétienne. Il n’en rejette aucune, n’en relativise aucune, met en lumière les circonstances de leur apparition, analyse leur développement et leur point d’arrivée.

Les résultats de cette recherche conduisent à renouveler et même à renverser des jugements et des appréciations que l’on pensait être fixés pour l’éternité. Ainsi, sans doute à la surprise de quelques-uns de ses auditeurs, le professeur Grandjean est d’avis que les catholiques de ce temps sont plus proches des croyants protestants qu’ils côtoient dans les rues de Genève que de leurs coreligionnaires du 16ème siècle qui commanditaient le massacre de la « Saint-Barthélemy ». De même, les calvinistes d’aujourd’hui se sentent  plus proches de leurs contemporains catholiques que de leurs ancêtres huguenots. Un travail historique bien conduit étale sous nos yeux ébahis un tapis œcuménique du plus bel effet. Qui  aurait pu le prévoir ?

Les anciens sages aimaient répéter : Historia magistra vitae. L’histoire nous apprend à vivre. A condition qu’elle ne soit pas au service d’idéologies qui l’emprisonnent ou la récupèrent à leur service. L’actualité fourmille de ces abus et les guerres y trouvent les raisons qui justifient leurs crimes. L’historien authentique n’est qu’au service des faits. Une mission qui exige de sa part humilité et vérité. Du courage aussi, pour contredire et même détruire les mythes érigés en doctrines politiques ou religieuses.

Enfin, en désacralisant le passé, l’historien nous apprend à espérer. Une devise, qui est à peine une boutade, le dit à sa manière : « Quand je me regarde, je me désole ; mais quand je me compare, je me console ». Notre époque n’est pas plus ignominieuse que celles qui l’ont précédée. Il est toujours possible de mieux faire. Foi d’historiens ! Michel Grandjean en conviendrait.

Le professeur Michel Grandjean (image : capture d'écran, mediaserver.unige.ch/play)

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