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Mise au tombeau médiévale

  • Fr. Guy

Méditations de Jacqueline Kelen

L’ouvrage qui m’a accompagné ces jours n’a rien d’un roman. Quoiqu’il puise largement aux écrits apocryphes du Nouveau Testament mis en relief par un groupe statuaire médiéval particulier. Un livre qui se veut aussi bien méditatif qu’historique dont la lecture est recommandée en ce tems de Pâques et de la Passion du Seigneur.

Son auteure est l’écrivaine Jacqueline Kelen, bien connue des auditeurs de « France Culture », spécialiste « des figures de la mystique et des richesses de la vie intérieure » (page 4 de couverture). A vrai dire, c’est le sujet précis de ce livre qui a attiré mon attention : « Mise au tombeau », paru aux éditions Salvator, cette année 2021 et qui compte 138 pages.

Au centre de l’ouvrage et sur chacune de ses pages l’évocation de la scène de la Mise au tombeau, une œuvre bien connue des historiens de l’art, mais aussi des dévots qui fréquentent nos anciennes cathédrales. Depuis mes jeunes années, je reste impressionné par ce groupe de sept personnes figées dans la pierre, sculptées à taille humaine, et qui procèdent en silence à l’ensevelissement du corps inanimé du Christ. On admire ce chef d’œuvre dans une chapelle reculée et obscure de la cathédrale St-Nicolas de Fribourg, devenue il y a peu lumineuse sous les feux d’un vitrail d’Alfred Manessier.

Dans une passionnante introduction, Jacqueline Kelen fait l’histoire de cette représentation née en Flandres au cours du 15ème siècle et qui se répandit dans une partie de l’Europe occidentale. On a pu dater celle de Fribourg, sortie des ateliers d’un certain sculpteur Mossu en 1470, influencée sans doute par l’art bourguignon. La Mise au tombeau de Fribourg est une des rares survivantes de toutes celles qui furent mutilées ou détruites au cours des aléas de l’histoire.

Les personnages appartiennent à un stéréotype immuable. Sept vivants, quatre femmes et trois hommes, sont debout, penchés sur le corps de Jésus fraîchement descendu de la croix.

Aux extrémités, déployant le linceul qui va le recouvrir, Joseph d’Arimathie et Nicodème.

Au centre, Marie, la mère, discrètement soutenue per « le disciple que Jésus aimait ».

A leur côté, Marie de Magdala, sans voile ni vêtements de deuil et deux autres femmes plus âgées, Salomé épouse de Zébédée, mère des apôtres Jacques et Jean et Marie Cléophas dont l’identité reste difficile à préciser.

Les quatre évangiles, dans un ordre dispersé, font référence à ces personnages qui tiennent un rôle dans les récits de la passion et de la résurrection. La piété populaire forte de l’apport des apocryphes les a regroupés dans une même scène figée dans la pierre et reproduite à de multiples exemplaires au cours d’un moyen âge finissant. Leur choix n’est pas arbitraire ni anodin. Chacun d’eux exprime à sa manière ses sentiments face à la mort d’un être aimé. Sans doute pas suffisamment aimé et mal compris. La tentation est grande de pleurer un passé irréversible. Mais la dignité des personnages qui ne s’effondrent pas dans le malheur laisse entrevoir un rais de lumière qui laisse espérer une possible résurrection.

Au cours de trente-trois très courts chapitres, Jacqueline Kelen fait parler ces statues muettes. C’est notre discours autant que celui de l’auteure qui passe à travers celui de ces sept personnes recueillies autour de ce corps sans vie. Le temps est alors venu de fermer notre livre et d’entrer nous aussi en méditation.

Cathédrale St-Nicolas de Fribourg. Mise au tombeau de la chapelle du Saint-Sépulcre (image : Dies sur Commons/Wikipédia. Ce fichier est sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported)

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