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Moines de Tibhirine

  • Fr. Guy

Heureux ceux qui espèrent

Autobiographies spirituelles. Textes recueillis et présentés par Marie-Dominique Minassian avec le concours de l’Association pour les Ecrits des sept de l’Atlas, les familles des moines, les communautés de Notre-Dame de Bellefontaine, de Tamié, d’Aiguebelle et de Notre-Dame de l’Atlas à Midelt (Maroc), Editions : Cerf, Bellefontaine et Bayard 2018

Cette « somme » de 763 pages n’est que le premier tome d’une série intitulée : « Les Ecrits de Tibhirine ». On peut légitimement s’interroger sur le contenu des ouvrages qui suivront tan celui que nous avons entre les mains est dense. Marie-Dominique Minassian, une de nos amies, a en effet exploité les archives des communautés trappistes qui ont recueilli des pièces relatives aux moines de l’Atlas, ainsi que d’autres documents conservés dans les familles des moines assassinés en 1996 et béatifiés en 2018. Les a-t-elle totalement intégrés dans cet ouvrage ou sélectionnés selon la thématique qu’elle a choisie ?

Ces sources sont constituées essentiellement par des lettres, des sermons, des journaux de bord rédigés par les moines. L’ensemble se présente comme le chemin de vie d’une communauté formée par des êtres fragiles, affrontés à leur faiblesse, mais confiants dans la force de Dieu qui précisément se manifeste dans la faiblesse humaine.

Bien sûr, des éditeurs ont déjà publié séparément des témoignages des moines de l’Atlas provenant de ceux qui furent les plus connus : les frères Christian, Luc et Christophe. Mais l’édition présente donne aussi la parole à ceux qui disparaissaient dans l’ombre des premiers. De toute façon, ce sont encore dans cet ouvrage Christian et Christophe qui se taillent la part du lion, tant leurs traces littéraires sont nombreuses et importantes. A tel point que Marie-Dominique Minassian n’a pu les citer intégralement, se limitant à faire un choix qui respecte toutefois leur trajectoire de vie.

J’ai porté spécialement mon attention sur les textes rapportés du frère Christophe Lebreton (1950-1996), près de 200 pages dans ce livre qui en contient moins de 800. Ma préférence ne s’explique pas seulement par le fait que Christophe était le plus jeune frère de la communauté, mais aussi parce que ses écrits ont fait l’objet d’une thèse de doctorat défendue à Fribourg par l’éditrice de l’ouvrage que nous recensons[1]. La même auteure avait déjà publié en 2009 aux Editions de Bellefontaine une biographie spirituelle de Christophe : « Frère Christophe Lebreton, moine de Tibhirine. De l’enfant bien-aimé à l’homme tout donné ».

Qu’en dirais-je à mon tour au vu de cette abondante littérature qui le concerne ? Christophe fut un jeune homme passionné, sensible et même inquiet. Il avançait comme l’âne cher au cardinal Etchegaray : deux pas en avant, un pas en arrière. Au rythme de la grâce et de ses faiblesses. Rien à voir avec un moine de pacotille qui grandit dans une serre sans connaître le monde et évolue sans tumulte ni perturbation jusqu’à sa béatification. Non, Christophe ne fut pas un moine sans problème. Il n’a pas sa place dans la « Legenda aurea ». Oserais-je avouer que c’est pour cette raison qu’il me plaît.

Porté par une famille nombreuse pétrie de catholicisme, mai 68 lui tourne la tête, l’envoie aux barricades et jette aux orties ses convictions chrétiennes. Pour un temps seulement. L’Emmaûs de l’Abbé Pierre l’y ramène en lui faisant découvrir le monde des pauvres, les préférés de Dieu. Une alliance se noue entre lui et ces démunis qu’il renouvellera plus tard avec les fellah qui végètent aux autours de la Trappe de l’Atlas.

A 22 ans un stage de coopération à Hussein Dey dans la banlieue d’Alger le met en contact avec l’Abbé Carmona, prêtre pied noir, un peu baroudeur mais d’une générosité et d’une foi résistant à tout épreuve. Christophe trouvera chez ce prêtre le conseiller lucide dont il a tant besoin. C’est encore l’Abbé Carmona qui lui fera découvrir les moines de l’Atlas.

Deux ans plus tard, de retour en France, Christophe est accepté par les moines de Tamié comme « regardant », puis comme « postulant » et enfin comme novice. Un noviciat mouvementé qui nécessite un accompagnement psychologique.

Christophe rejoint la communauté de Tibhirine pour achever son noviciat et prononcer ces premiers vœux temporaires. Il ne semble pas que ce séjour fut très heureux puisqu’une année plus tard il retourne à Tamié et obtint la permission de vivre à Troyes hors de son monastère dans le but d’obtenir un Certificat d’aptitude professionnelle en menuiserie. Toujours la même obsession : être à même de vivre avec les plus pauvres. En attendant, son Abbé l’éloigne à la Trappe des Dombes pour tenter avec d’autres moines de Tamié de redonner vie à cette communauté sinistrée.

Puis retour en 1987 à la Trappe de Tibhirine qui l’accepte cette fois-ci en vue de participer à une nouvelle fondation à Fès, au Maroc. Deux ans plus tard, Christophe fait vœu de stabilité au monastère de l’Atlas. Il sera ordonné prêtre en 1990 par Mgr Tessier, archevêque d’Alger, six ns avant son sacrifice.

Je ne fais ici que marquer des étapes. Elles prennent vie grâce aux textes qui les accompagnent. Ceux de Christophe bien sûr, mais aussi ceux des nombreux guides spirituels qui l’ont épaulé sur son chemin de foi et d’espérance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Marie-Dominique Minassian : De la crèche à la croix. Eléments d’une théologie du don chez frère Christophe Lebreton, moine de Tibhirine, Academic Press, Fribourg 2014

© Éditions du Cerf

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