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Nicolas de Flüe, le pacificateur

  • Fr. Guy

A l’ordre du jour ?

Le 15 mai prochain, les Suisses qui s’en souviennent, et j’espère quelques autres aussi, vont commémorer un événement qui paraîtra sans doute anodin et insignifiant à la plupart de mes compatriotes. A savoir, le soixante-quinzième anniversaire de la canonisation de Nicolas de Flüe (1417-1487), communément connu sous le nom de « Bruder Klaus » en Suisse alémanique. 

Un très long chemin, pas toujours œcuménique, avait abouti à cette consécration. La béatification de Nicolas, survenue en 1669, avait fait de cet ermite un héros « catholique », bien qu’il vécut avant la Réforme protestante qui déchira la Confédération en deux  camps confessionnels rivaux et même hostiles.

Mais les Suisses qui avaient traversé sans coup férir les deux guerres mondiales du vingtième siècle se souvinrent du rôle pacificateur qu’avait joué Nicolas en 1481, alors que les confédérés de cette époque, après leur victoire répétée sur Charles le Téméraire, le puissant et riche duc de Bourgogne, étaient sur le point de s’entredéchirer, chacun tirant à soi la couverture débordante des dépouilles du Téméraire et des richesses pillées chez ses alliés au passage de leur armée.  

Des sources historiques sérieuses font état d’un message du Bruder Klaus adressé alors aux députés des cantons réunis à Stans, un bourg voisin de son ermitage. Ses paroles suffirent à ramener à la paix et à la raison des plénipotentiaires qui ne croyaient plus qu’à la guerre pour régler leurs différents. De là, le renom de « protecteur du pays » et de serviteur de la paix que s’est acquis Nicolas. Une renommée imprimée au plus profond de la mémoire collective de ce pays.

La canonisation de 1947, deux ans quasi jour pour jour après l’armistice du 8 mai 1945, consacrait en quelque sorte le rôle et la mission de Nicolas. Beaucoup de Suisses en effet étaient alors persuadés que l’intervention « surnaturelle » de l’ermite du Ranft avait préservé leur pays des malheurs de la guerre qui venait de s’achever. Le « Protecteur de notre pays » devenait une figure nationale et non plus seulement confessionnelle. Les célébrations en 2017 du six-centième anniversaire de sa naissance confirmèrent le destin œcuménique et même universel de Bruder Klaus. Son titre de promoteur de la paix acquit une notoriété qui dépassait les  frontières de son pays.

J’y pensais précisément ces jours derniers en descendant le chemin qui conduit au fond de la gorge où frère Nicolas avait construit sa demeure. A vrai dire, il n’était pas un reclus, mais plutôt un starets qui recevait, hors du temps qu’il réservait à l’oraison, des défilés de visiteurs avides de ses conseils. C’est ainsi qu’en 1481 le curé de Stans, Heini Amgrund, recueillit ses paroles qui devaient éteindre les braises prêtes à mettre le feu à la Suisse de ce temps.

Mais qu’a-t-il dit précisément ? Les historiens demeurent perplexes sur la teneur exacte de ses propos. Certains politiciens d’aujourd’hui s’en emparent pour justifier des idéologies contestables. Quoi qu’il en soit, si le message pacificateur de Nicolas reste actuel, il devrait nous interpeler en ces temps troublés que nous traversons.

Sans trop nous aventurer et compte-tenu des sources qui en parlent, ce message pourrait être traduit sous cette forme : la paix est un don de Dieu, mais ce don doit se monnayer dans des bourses humaines. On ne mettra donc pas fin à un conflit sans que chaque partie n’est pas disposée à jeter du lest. Autrement dit, à négocier. Mais une  vraie négociation n’implique pas que le plus fort écrase le plus faible. Au contraire, elle se veut respectueuse des intérêts de tous. Et, selon certains manuscrits, Nicolas aurait ajouté un appendice précieux pour prévenir les conflits meurtriers : « Contentez-vous de ce que vous avez ; ne cherchez pas à agrandir votre territoire ; mettez un frein à votre avidité. Vous vivrez alors en paix et goûterez une sobriété heureuse, un bienfait pour vous et pour vos voisins ».

Nicolas de Flüe, extrait du retable de l'église paroissiale de Sachseln (1492). Wikipédia.

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