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Nos frères et nos sœurs d’en face

  • Fr. Guy

Un demi millénaire d’histoire

Olivier Bauer globe-trotter devenu professeur de théologie dite « pratique » à l’Université de Lausanne ne renie pas son vignoble neuchâtelois, pas plus que la tradition protestante qui depuis prés d’un demi millénaire marque son terroir et une bonne partie du paysage romand. Ce retour aux sources réformées « indigènes » a d’abord donné lieu à un cours universitaire, puis, cette année 2020, à la publication dans la collection Focus des Editions Livréo-Alphil d’un ouvrage intitulé : « 500 ans de Suisse Romande Protestante ».

Un titre qui mériterait quelques retouches dont l’auteur est conscient. Tout d’abord, on ne parle de « Suisse Romande » qu’à partir du 19ème siècle et impossible de fixer une seule date à l’avènement de la Réforme dans cette région. L’histoire de cette mouvance en Suisse occidentale est en effet très complexe.

Excellent pédagogue, l’auteur distingue quatre périodes au long de cinq siècles de protestantisme dans cette région : la diffusion et l’établissement de la Réforme, sa fixation confessionnelle, sa libéralisation et, à notre époque, ce qu’Olivier Bauer appelle sa « diminution », pour ne pas dire sa « disparition ».

Plus qu’une réflexion théologique, l’ouvrage se présente comme un répertoire historique pratique ou un récit en plusieurs épisodes, chacun cadrant les faits qui lui sont particuliers dans les mêmes repères géographiques. L’ensemble fourmille de détails et d’anecdotes inattendus et dignes d’intérêt. Elles font la joie d’un amoureux de ce coin de terre qui m’a vu naître, mais sans faire de moi un protestant. La Romandie n’est pas une oasis ou un ghetto réformé.  Les catholiques partagent aussi ce petit « paradis ».

Que retenir de ces cent-cinquante pages ? Elles confirment d’abord une certitude. La Réforme fut imposée dans le pays « romand » – que l’on me pardonne cet anachronisme – par le régime bernois. Que ce soit sur les terres savoyardes qu’il venait de conquérir ou sur celles de ses alliés, comme la ville de Genève, qui devaient monnayer son appui par une conversion à la foi nouvelle. L’influence bernoise a persisté et pesé pendant presque trois siècles sur l’organisation interne de ces nouvelles Eglises et même sur le contenu de leur foi.

Une deuxième conclusion vient confirme une autre certitude. Ce furent des étrangers à la solde de Berne qui furent les fourriers de la Réforme dans notre région. Et tout d’abord l’incontournable Guillaume Farel qui apparaît sur tous les chemins et à tous les tournants de cette histoire. Lui seul aurait mérité de figurer sur le monument que les Genevois crurent bon d’ériger à la gloire des Réformateurs.

L’influence du protestantisme française, mais aussi piémontais ou toscan, s’est renforcée avec l’arrivée des réfugiés Huguenots ou ceux des vallées vaudoises. Non seulement dans le domaine religieux, mais encore culturel et économique.

J’ai regretté que l’auteur ne se soit pas attardé sur le réveil « œcuménique » du protestantisme « romand » au 20ème siècle. Il y eut bien sûr la création du COE qui a son siège à Genève. Mais aussi nombre d’instituions ou de pratiques œcuméniques comme l’Atelier Œcuménique de Théologie, où collaborent des frères autrefois ennemis, puis séparés et maintenant de plus en plus rapprochés et bientôt unis.

Enfin, l’effondrement des statistiques confessionnelles du protestantisme romand est un fait sur lequel Olivier Bauer passe comme chat sur braises. On ne lui demandait pas de jouer au prophète de malheurs, mais de jauger et d’analyser tant soit peu ce phénomène inquiétant. Surtout d’en découvrir les causes véritables qui ne sont pas seulement l’origine sociale ou nationale des protestants, mais une rupture profonde sur le front des convictions, liée à un changement radical de nos modes de vie et de penser. Que l’on s’affirme protestant ou catholique, cette crise nous concerne tous.

Statue du réformateur Guillaume Farel à contre jour devant la collégiale de Neuchâtel (photo : Martouf, Wikimédia)

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