Notre-Dame en feu !

Tristesse et accablement. Notre-Dame de Paris s’effondre sous les flammes. Les hommes et leurs techniques sont impuissants à éteindre l’incendie. Tout cela sous nos yeux, proches ou lointains. Hébété comme cette foule de Parisiens et de touristes qui se pressent sur le parvis pour ne rien perdre de ce triste spectacle. Des petits et des grands se bousculent vers les caméras et les micros pour exprimer leur consternation. Quelques journalistes – perfides ? – relèvent avec insistance le caractère séculier ou laïc de cet édifice, comme s’il n’abritait pas d’abord la prière des catholiques.

Mais c’est aussi vrai que Notre-Dame est au cœur de Paris et qu’elle a sa place dans le cœur des Parisiens. Et même dans celui de tous les amoureux de l’histoire et de la culture de leur pays. Un symbole extrêmement rassembleur. Face à cet effondrement, le discours politique et partisan s’efface, les contraires se rapprochent et les ennemis se parlent. Notre-Dame est devenue « notre drame », pour citer l’édito de ce matin du journal Libération. Pourtant, ce ne sont que des pierres, des arbres, des lamelles de plomb qui partent en fumée. Mais c’est le génie ou l’âme de l’homme qui a choisi cette forêt de chênes pour en faire une charpente, extrait ces minéraux de leur carrière pour en faire un chef d'œuvre.

Je suis tenté de lire cet événement comme un signe. Je présume que certains vont l’interpréter comme une punition divine pour les crimes commis par les clercs de ce temps. Laissons-là ces divagations. Je préfère y voir comme le passage d’une Eglise chargée d’histoire à une nouvelle Eglise encore à construire. Notre-Dame renaîtra de ses cendres, c’est certain. Nous pouvons regretter ce qu’elle fut. Mais attachons-nous plutôt à imaginer ce qu’elle pourrait être demain. Non pas une réplique de la Gedächtniskirche de Berlin, une ruine en guise de mémorial cernée par des gratte-ciels insolents. Non, je rêve d’une cathédrale faite de pierres humaines qui chanteront à leur manière la gloire de Dieu. Comme le firent en leur temps et pour leur temps les bâtisseurs de cathédrales qui se gardaient bien de dire que leurs œuvres, si grandioses fussent-elles, étaient marquées du label d’éternité.