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Payerne haut lieu d’histoire et de foi

  • Fr. Guy

L’abbatiale rénovée vous ouvre ses bras

Broyard de père et de mère, j’ai toujours considéré la ville de Payerne comme le chef lieu naturel de cette région que les guerres médiévales et les conflits religieux ont eu le tort de diviser. Mes aïeux s’y rendaient à chaque foire et mon père chaque année y vendait son tabac. Ces Fribourgeois transgressaient alors  allègrement les frontières qui avaient fait de leur village et de ses voisins vaudois des ghettos catholiques ou protestants.

Depuis plus d’un millénaire et bien au-delà, en tenant compte de ses antiques fondations, l’abbatiale de Payerne trône comme une reine ou plutôt comme une mère au milieu de ce peuple de paysans qui jadis sentait bon la glèbe et le jambon suspendu à la borne de leurs fermes. On raconte – mais on ne prête qu’aux riches ! – que la reine Berthe et sa fille Adélaïde auraient imprimé leur marque à cette fondation monastique. Quoi qu’il en soit, c’est au tournant du premier millénaire que la célèbre Abbaye de Cluny en Bourgogne fit du prieuré de Payerne une pièce de son échiquier européen. On lui doit la construction au milieu du 11ème siècle de l’abbatiale actuelle, selon un plan déjà appliqué à Cluny.

Jetons un voile pudique sur les déprédations que firent subir à la vieille dame les conquérants et colonisateurs bernois qui envahirent le pays de Vaud en 1536. Non seulement ils chassèrent les moines et mirent bas leurs autels, mais transformèrent en immeubles « utilitaires » l’abbatiale et le monastère. Il fallut attendre quatre siècles pour qu’enfin l’édifice put retrouver ses lignes originelles, sans pour autant qu’il ne serve à nouveau au culte pour lequel il avait été construit. Quatre restaurations suivirent. La dernière dura cinq ans (2015-2020) et nous rendit l’abbatiale dans sa splendeur première.

Plusieurs façons de lui rendre visite. Celle du touriste chinois –  ô combien regretté cette année ! – déambulant sous ses voûtes aussi intéressé qu’un Helvète baguenaudant en bermuda dans les ruines d’Angkor. Mon amie africaine, elle, trouve l’ensemble « très grand » pour ne pas dire « très beau ». Elle nous met sur la bonne piste. Les moines n’ont pas construit cet immense vaisseau pour qu’ils puissent le remplir un jour, ni même pour abriter leurs voisins déjà bien lotis en édifices religieux. Alors pourquoi si grand ? Une seule réponse. Les moines ont édifié l’abbatiale à la mesure sans mesure de Celui qu’ils voulaient célébrer en ce lieu. Rien n’était ni trop grand ni trop beau pour Lui.

Je vous mets au défi de faire comprendre ce langage à une génération qui a banni toute référence à une transcendance et ne se fie qu’à l’utilitaire immédiat et apparent. Que vient-elle donc chercher dans cette abbatiale ?

Je conseille à ce visiteur – ordinairement pressé – de dépasser le narthex et de se laisser choir sur le dernier banc de la nef. Qu’il mette un frein à sa langue et aux divagations de son esprit et de son imagination. Qu’il respire profondément et se laisse envahir de longues minutes par ce flot de lumière diffusée par cette mosaïque de pierres. Je ne lui promets pas le ciel, mais une porte qui pourrait l’ouvrir.

Quant à l’enfant du pays, je voudrais qu’il se souvienne ! Ici, plongent ses racines humaines et spirituelles. Le grès fut taillé dans les carrières de La Molière, le calcaire jaune amené des flancs du Jura et les moellons récupérés dans les ruines d’Avenches la romaine. Qu’il se laisse émouvoir par ces moines disparus. Leur travail lui permet aujourd’hui de déguster leur vin et leur prière l’invite à diriger son regard vers le haut, là où se profile la flèche couronnée de l’abbatiale. Et si c’était ce Dieu, auquel il ne croit plus guère, qui lui faisait signe et lui parlait cœur à cœur ? Chut !!! Silence !!! Je le laisse à ce dialogue intérieur et indicible.

L'abbatiale de Payerne (photo : Christophe95 sur Wikipédia, licence Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0, non transposée)

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