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Pourquoi j’ai quitté l’Ordre

  • Fr. Guy

Un livre de François Boespflug

François Boespflug : Pourquoi j’ai quitté l’Ordre… et comment il m’a quitté, Editions du 81, 2019, 124 pages.

Je n’ai jamais croisé François Boespflug. Que dire alors de son livre, que j’avais qualifié (?) de « brûlot » après n’en avoir lu que la première partie? Insinuation malveillante que je ne me permettrais pas de répéter après être parvenu au terme de l’ouvrage et contre laquelle l’auteur s’insurge avec quelque raison.

Il s’indigne aussi quand on le soupçonne d’avoir « réglé ses comptes » dans ce livre. Je dirais plutôt qu’il a voulu justifier les démarches successives qui l’ont éloigné de l’Ordre dominicain et du sacerdoce sans pour autant lui faire quitter l’Eglise dont il est resté un allié jusqu’à lui demander de bénir son mariage. Ce qu’elle fit en juillet 2018.

Je le prends donc au mot quand il désire – mais sans trop y croire – que ses lignes puissent servir de thérapie à un Ordre et à une Eglise malades. Il est convaincu que ce qu’il a écrit voici trois ans dans la première édition n’a hélas pris aucune ride. Il a donc réédité son livre en 2019 sans en supprimer un seul iota.

Assurément, son évocation du climat délétère qui empoisonnait le Saulchoir d’Etiolles au temps de sa formation philosophique fait frémir. Il est possible que d’autres témoins ne partagent pas cette vision. Mais François Boespflug a raison de dénoncer l’omerta, élevée au statut de doctrine, qui faisait alors taire tout discours et tout débat sur la sexualité des prêtres et des religieux, en condamnant certains à mener une double vie et d’autres à tenir un discours hypocrite sur le sujet. Je pense aussi que les réformes structurelles que Boespflug propose, sans qu’il soit le premier à le faire, comme l’ordination sacerdotale dissociée de l’engagement au célibat, l’accès à la prêtrise d’hommes et de femmes mariés, l’engagement temporaire dans la vie religieuse, méritent un débat ouvert et libre à l’intérieur de l’Eglise catholique latine.

Par contre, je peine à le suivre dans sa conception de la prêtrise et du ministère sacerdotal, de la pratique eucharistique et de l’idée qu’il se fait de la mission de l’Ordre dominicain. Sur ces divers points, ses idées s’apparentent davantage à un plaidoyer pro domo qu’à un débat objectif dépouillé de tout a priori. Ses propos seraient les bienvenus s’ils n’émanaient d’un auteur qui, au fil des pages, ne cesse de faire état de son amertume et, osons le dire, de sa frustration. Et ceci en dépit de sa vaste érudition, de sa brillante intelligence et de la solidité de son argumentation.

Cet ouvrage brosse en effet le portrait d’un intellectuel qui se plaint de n’avoir pas été reconnu par ses pairs et même mis à l’écart, contraint de choisir et de définir lui-même un projet de recherche et de pourvoir à sa réalisation.

Je crois pouvoir dire que ce traitement n’est hélas pas particulier à François Boespflug. D’autres frères dominicains l’ont enduré avant, et même après lui. Si l’Ordre a manifesté sa tiédeur ou son indifférence au départ de leur aventure personnelle, il ne les a pas empêchés de la tenter. Et il ne s’est pas privé de s’en féliciter lorsqu’elle a abouti à un succès.

Je présume aussi que le degré d’amertume de l’auteur se mesure à l’estime qu’il a de ses propres dons. Je ne remets nullement en question la qualité et le sérieux de ses publications scientifiques. Elles figurent en bonne place dans nos bibliothèques, même conventuelles. Mais une once de modestie aurait pu lui être profitable. Boespflug n’est ni le premier ni le dernier chercheur à s’intéresser sérieusement à l’histoire de l’art et à celle des religions.

Enfin, je me réjouis très sincèrement si, à ses côtés, une compagne de vie l’enchante et partage ses vœux et projets. Il a raison de le faire savoir. Mais, là encore, je souhaiterais qu’il ne perde pas le sens de la mesure. Je considère comme une faute de goût – assez grave pour un intellectuel – les accents jubilatoires qui ont accompagné et suivi la messe qu’il a célébrée au sortir d’une nuit d’amour. A-t-il voulu provoquer les « simples » catholiques, qui conçoivent difficilement qu’un prêtre puisse brader ses vœux et s’en réjouir ensuite publiquement ?

Le même devoir de réserve et de respect ne s’impose-t-il pas ici comme dans le cas des caricatures de Charlie Hebdo, sur lesquelles François Boespflug a réagi à l’époque ? Il déclarait alors qu’« une autocensure amicale s’impose pour pouvoir vivre ensemble en paix » (Le Plus, Propos recueillis par Louise Pothier). Cette sage directive ne devrait pas avoir cours que dans nos relations avec l’islam. Elle devrait nous permettre aussi de vivre en paix dans notre Eglise.

© Éditions du 81

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