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Quand la religion est malade

  • Fr. Guy

Le fanatisme viral

Les publications du frère Adrien Candiard ne me laissent en général pas indifférent.

C’est lui qui mit en forme théâtrale le fameux dialogue « Pierre (Claverie) et Mohamed », mis en scène par Francesco Agnelli et si souvent représenté.

Adrien Candiard, membre de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO) du Caire, est un islamologue averti et reconnu par ses pairs. 

Mais il est aussi un croyant qui réfléchit sur sa foi et ne se prive pas de s’en faire l’écho. Ses écrits sont brefs, incisifs, clairs et directs, à l’image de ses conférences dont ils développent la problématique. Le frère Adrien se veut d’abord un « prêcheur » qui transmet avec élégance ce qu’il a contemplé, mais aussi sérieusement étudié.

Le 8 août 2020, jour de la fête de saint Dominique, ce frère signait au Caire une nouvelle publication : Du fanatisme. Quand la religion est malade. Un livre de 87 pages qui paraît cette année aux éditions du Cerf.

Le modèle de l’auteur est précisément Dominique, le fondateur de l’Ordre des Prêcheurs, « un serviteur de la vérité qui enseigna toujours qu’on ne peut la servir qu’en aimant ses frères » (p.87).

Ce qui de toute évidence ne se vérifie pas chez les fanatiques de tous bords, y compris chez leurs cousins fondamentalistes et intégristes.

 

Mais c’est le fanatisme d’origine islamique qui sert de base à la réflexion de Candiard et qu’il va élargir à d’autres continents religieux. L’auteur fait référence à Ibn Taymiyya, un juriste musulman du 14ème siècle qui n’est pas sans influencer les salafistes contemporains. Cet « agnostique pieux » rejette toute tentative humaine de s’approcher de Dieu, d’en parler et bien sûr de lui parler. Le Transcendant disparaît dans l’épaisseur d’un mystère absolument impénétrable. Seuls, ses commandements sont connus des humains parce que révélés par une autorité extérieure, en l’occurrence le Coran.

Les commandements prennent donc la place de Divin dans le cœur du croyant et deviennent une idole en se revêtant des attributs de la divinité. Ces décrets s’imposent avec force et sont donc indiscutables et implacables. Impératifs sans pitié ni miséricorde, ils peuvent hélas déboucher sur des actes de violence pour se faire obéir, tels ceux qui défraient la chronique d’aujourd’hui.

Le fanatique n’est donc pas un dangereux psychopathe, mais un l’adepte d’une « religion malade » qui a troqué le service de Dieu contre celui des idoles. Le verset de Jérémie qui sert d’exergue au livre le dit bien : « Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau » (Jérémie 2,13).

Adrien Candiard sait bien que cette idolâtrie n’est pas l’apanage exclusif d’un groupe musulman particulier. Le christianisme peut être atteint de cette maladie. Il lui arrive aussi d’adorer des faux dieux qui usurpent la place du vrai Dieu. Ainsi le fondamentaliste qui « divinise » les versets bibliques, l’intégriste qui en fait autant des pratiques et des rubriques liturgiques et le dogmatique intolérant qui confond la lettre d’un symbole de foi avec un roc inusable, soustrait à toute évolution de langage. Et ceci, au grand dam de la charité et de l’amour fraternel.

Pour lutter contre ce mal qui infecte la religion, le docteur Candiard propose sa thérapie. Trois pistes à parcourir. Tout d’abord, restituer à la théologie – le discours rationnel sur Dieu – ses lettres de noblesse dans notre société et de ne plus la récuser d’office comme une superstition dégradante et moyenâgeuse. Ce regard – objectif – sur le divin permet d’identifier les causes réelles des violences que les fanatiques nous font subir.

Puis, la prière ou la méditation qui consiste à accepter une béance dans notre être profond que Dieu seul peut remplir. Ne nous précipitons pas pour la colmater avec des formules pieuses. Laissons au vrai Dieu un espace qu’il pourra un jour investir, quand il le voudra et comme il le voudra.

Enfin, l’engagement dans un vrai dialogue interreligieux qui ne se réduit pas à faire l’inventaire de nos diverses croyances, mais à nous rapproche quand chacun fait découvrir à l’autre le chemin qui le mène à Dieu.

En conclusion, un petit livre certes, mais très dense. Il mérite d’être lu et relu et convient très bien à un partage dans un groupe de croyants.

© Éditions du Cerf

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