Rahab la prostituée

Francine Carrillo : Rahab la spacieuse, Editions Ouverture, Le Mont sur Lausanne 2020, 59 pages.

La Suisse romande a une chance – imméritée ? –  de compter parmi ses auteurs une bibliste et une poète du format de Francine Carrillo, pasteure genevoise aujourd’hui retraitée. Une orfèvre qui a l’art de confectionner de petits bijoux littéraires qui en quelques mots finement ciselés nous font pénétrer dans les marges oubliées ou négligées de notre Bible.

Après Marthe (2013), Jonas (2017), voici donc Rahab qui figue dans la généalogie de Jésus établie par l’évangéliste Matthieu, en compagnie de trois autres femmes de réputation douteuse, s’il faut se fier aux commentateurs machistes et malveillants.

Au terme d’une analyse rigoureuse du passage du Livre de Josué où il en est question (chapitres 2 et 6), Francine Carrillo fait de Rahab non pas une prostituée, mais une hospitalière ou une aubergiste « spacieuse » ou généreuse, accueillant tout venant à sa table d’hôte. C’est qu’elle porte en elle une faille, une ouverture qui la rend attentive à toute nouveauté qui se profile de l’extérieur dont elle pressent l’importance et la nécessité. Dût-elle pour cela renoncer à ses sécurités traditionnelles et même à ses conventions religieuses. Un comportement qualifie cette recherche : l’écoute attentive et silencieuse de l’autre - qui peut devenir l’Autre - et l’espérance quand s’effondrent les certitudes qui jusque là servaient de confort et d’appui.

Ces quelques lignes se veulent aussi contextuelles. L’auteure prend la défense des « marginaux » discriminés, des femmes en particulier. Elle fait aussi confiance au changement, assurément déstabilisant, qui pourrait suivre la crise qui nous obsède aujourd’hui.