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Rencontres malencontreuses

  • Fr. Guy

Les « confessions » de Jérôme

Jérôme Meizoz : Malencontre, ed. Zoé, Genève 2022, 152 pages.

C’est « Temps mort », un récit de Jérôme Meizoz paru en 2014 dévoilant le Journal de sa tante « jaciste » (jeunesse agricole catholique), découvert dans un grenier familial, qui m’a mis sur la piste de cet écrivain valais. Depuis lors, ce jeune talent fait carrière à l’Université de Lausanne où il professe la littérature française. Spécialiste de C.- F. Ramuz, il vient de publier une édition critique de ses nouvelles : « Le lac aux demoiselles et autres nouvelles ».

Meizoz, me semble-t-il, développe quelques connivences, du moins des accointances, avec son aîné vaudois. Ramuz reprochait à ses compatriotes de manquer de « grandeur » et dénonçait dans « Aline » l’hypocrisie, le cynisme et l’impunité des coqs de village qui se croyaient tout permis parce que couverts par leur prétendue respectabilité. Meizoz fera de même, mais avec d’autres arguments, à l’encontre d’une tribu d’entrepreneurs locaux, soutenus par les corps constitués de la région. Plus généralement, notre auteur porte sur ses congénères un regard extrêmement sévère, leur reprochant d’être obtus, incultes, enfermés dans un conservatisme patriarcal et religieux à faire frémir. Ces parvenus ne s’animent que lorsqu’ils sont au volant d’une voiture de course et la font pétarader devant un parterre des filles ébahies.

En fait, ce réquisitoire se veut un roman. Le roman d’un écrivain à la recherche d’une intrigue et qui, pour ce faire, fait défiler, sans trop s’y arrêter, les étapes qui ont marqué son enfance, ses amours d’adolescent éconduit, sa solitude au milieu des gars du village, son évasion ou son refuge dans les livres ou dans des thèmes révolutionnaires fantasmés. Surtout, un homme souffrant, perturbé par la mort précoce d’une mère et d’un frère, mis à l’écart d’une société qui le rejette parce qu’elle ne peut ni ne veut le comprendre.

Un rayon de soleil dans ce décor ténébreux : Rosalba, son idole adorée qu’un autre lui a volée. Rosalba plus imaginaire que réelle, son double, malheureuse comme lui et qui disparaît mystérieusement de ce monde « malencontré ».

De quoi faire un bon roman avec tous ces éléments. Mais ce livre est-il vraiment un roman ou une autobiographie romancée ? Les diverses publications de Meizoz nous ont appris à lire entre ses lignes. Jeune rebelle, il récidive dans ce nouvel écrit. Ce qui n’enlève rien à la maîtrise de son style et de sa langue. L’agressivité pourrait même l’affiner.

Un suisse romand ne peut rester indifférent face à ces propos provocateurs. A travers son histoire, Meizoz nous invite à relire la nôtre. Même si notre bilan est plus nuancé que le sien, nous ne pouvons que nous réjouir de voir grandir et fleurir dans notre pré carré un émule de Jean-Jacques et de Charles-Ferdinand.

Bonne route, Jérôme !

© Éditions Zoé

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