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Saint Vincent Ferrier, Valence 1350 – Vannes 1419

  • Fr. Guy

Prêcheur oublié des Frères de son Ordre ?

Paul-Bernard Hodel OP, Nova et Vetera, janvier-février-mars 2024, p.31-39.

« Nova et Vetera » dont le fondateur fut Charles Journet, bien avant que Vatican II fasse de ce prêtre et théologien un cardinal. Ce fut aussi un cardinal, dominicain celui-là, qui prit sa succession à la rédaction de cette revue, le cardinal  Georges Marie Martin Cottier, genevois lui aussi. Deux autres dominicains suisses  prirent sa relève. D’abord, le frère Charles Morerod avant qu’il ne devienne évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Actuellement, cette charge est assumée par le frère Gilles Emery, professeur émérite de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.

L’auteur de ce bref article, le frère Paul-Bernard Hodel est en charge de la chaire d’histoire de l’Eglise de cette même université. Excellent connaisseur de Vincent Ferrier, il a travaillé sur ses sermons et l’a suivi dans son périple de prédicateur à travers la littérature consacrée à ce frère qui fut le quatrième dominicain à être canonisé en 1455, après saint Dominique, saint Pierre martyr et saint Thomas. Après avoir rendu hommage au Fondateur de l’Ordre, à l’un de ses illustres inquisiteurs et à son plus grand théologien, il fallait encore honorer les prêcheurs pour lesquels l’Ordre fut fondé.

Notons que cet article dont Nova et Vetera publie l’original a paru en version néerlandaise. Un test du retour de la popularité de ce saint dominicain injustement oublié ?

Avouons que l’entreprise était difficile. Je me souviens d’un voyage à Tolède où l’on me fit remarquer que la synagogue médiévale avait été incendiée lors d’un pogrom antijuif ou antisémite, suite à une prédication de Vincent. C’est que notre homme, qui se croyait envoyé par Dieu, s’identifiait à un ange de l’Apocalypse annonçant la fin des temps précédée de la conversion des « infidèles ». Une théorie dont Joachim de Flore aurait été un des protagonistes. On peut aussi imaginer qu’un prédicateur se croyant divinement investi de cette mission aurait par ses sermons accéléré ce mouvement.

Quoi qu’il en soit, Bernard Hodel a raison de ne pas insister sur cette dérive qui ne fut qu’occasionnelle et momentanée. Elle porte préjudice au prêcheur Vincent qui se situait dans la suite ou la ligne des saints Dominique et François desquels il se réclamait.

Demeure toutefois que cette prédication ne manquait pas d’originalité et même de modernité.

Elle se voulait universelle. Vincent ne fréquentait pas que les cathédrales et les Hôtels de Ville. Les communautés locales les plus modestes lui dressaient à leurs frais une estrade sur une place autour de laquelle se rassemblaient ceux qui avaient envie de l’écouter. Les comptes publics attestent ainsi le passage de Vincent en Romandie. Un vitrail de l’église des moniales dominicaines d’Estavayer rappelle son ministère dans cette bourgade. Si Vincent ne s’adressait plus directement aux « infidèles », ses remontrances visaient les catholiques pécheurs et tentaient de les ramener sur le bon chemin.

Autre originalité : Vincent Ferrier ne prêchait pas seul, mais entouré d’un groupe qui le suivait partout. Une sorte de confrérie de convertis qui se manifestaient bruyamment le soir, après les prédications au rythme d’auto-flagellations bien dans l’esprit du temps. Un rite qui ne plaisait pas à tous. Surtout pas au théologien Jean Gerson qui pressait Vincent de s’en débarrasser. Mais en vain !

Une prédication très populaire aussi qui puisait ses exemples dans la vie courante, accompagnée de chants, chansons et  musique qui la rendaient encore plus accessible.

Une prédication, enfin, qui débordait le champ proprement religieux en voulant réconcilier les ennemis de la veille. La société médiévale pansait  les plaies causées par le « Grand Schisme ». Les agressions physiques ou verbales, les injustices étaient alors monnaie courante tant au niveau local qu’international. Vincent s’improvisait en négociateur et les accords obtenus se faisaient devant notaires. Une procédure qui a pu inspirer la diplomatie ecclésiale dont la priorité est la paix et la bonne entente  entre chrétiens.

Je termine cette brève recension par des paroles de Vincent Ferrier citées par  Paul-Bernard Hodel. Selon l’historien, auteur de cet article, Vincent donne des conseils aux prédicateurs « qui sont certainement le fruit de sa propre expérience » (op. cit.p-37-38) :

« Dans les prédications et les exhortations, use d’un langage simple et familier. Appuie ta parole par des exemples afin que le pécheur chargé du même péché se sente atteint comme si tu prêchais pour lui seul. Parle de telle sorte qu’il apparaisse que tes paroles ne soient pas le fruit d’une âme orgueilleuse  et irritée, mais des entrailles d’une charité paternelle. Sois un père qui s’apitoie sur ses enfants coupables, gravement malades couchés dans une fosse profonde et qu’il veut délivrer.

Sois une mère qui caresse ses enfants. Mets ta joie dans les progrès qui leur mériteront la gloire du paradis.

C’est ainsi que tu feras du bien à tes auditeurs, tandis qu’ils seront assez peu touchés si tu ne fais que développer des généralités sur les vices  et les vertus.

De même pour les confessions : que tu aies à encourager les timides  ou à épouvanter les endurcis, montre à tous une charité profonde. C’est pourquoi quelques douces paroles doivent toujours préparer un reproche.

Toi donc qui veux être utile aux âmes, commence par rencontrer Dieu de tout ton cœur et demande-lui avec simplicité de répandre en toi la charité qui est le sommet des vertus et le moyen d’accomplir ce que tu souhaites. »

Saint Vincent Ferrer dans un tableau de Joan de Joanes (détail), vers 1450. Wikipédia.

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