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Satigny : Deux mille ans de présence religieuse

  • Fr. Guy

Une église genevoise sous le crible des historiens et archéologues

Charles Bonnet : Satigny. Étude archéologue et histoire d’une des plus anciennes églises du canton de Genève, Éditions Favre 2021, 234 p.

Connaissez-vous Satigny, village viticole et agricole du canton de Genève, situé dans l’ancien « Mandement de Peney », entre Rhône et Jura ? David campagnard face à un Goliath de béton et d’acier, impatiente de n’en faire qu’une bouchée. Sur une élévation, à l’entrée du village, le temple ou l’église témoigne d’une présence religieuse qui remonte à quelques millénaires, puisque des vestiges de menhirs sont mentionnés dans les environs.

Nous devons à l’archéologue Charles Bonnet, connu à Genève pour avoir dirigé les fouilles de l’enclos épiscopal sous la cathédrale St-Pierre et à son équipe ce volume scientifiquement documenté, imprimé avec ses tableaux et illustrations selon toutes les règles de l’art. Charles Bonnet se devait d’honorer son village natal où il exploitait une ferme et un vignoble avant de donner libre cours à son goût pour l’archéologie. Une passion de jeunesse qui devait lui valoir un jour une compétence professionnelle reconnue bien au-delà de son canton.

Ce livre-document est le fruit de quelque quarante-cinq années de recherches intermittentes sur le terrain. Je ne suis pas qualifié pour apprécier ses analyses et ses conclusions, mais je suis intéressé par l’histoire de ce site telle que ce livre me la fait connaître. En particulier, par son passé religieux, quelles que soient les mutations de rites, d’observances ou d’appartenances auxquelles il a pu donner lieu au cours de deux millénaires.

Deux villas romaines successives sont d’abord repérées sur ce domaine, l’une du haut, l’autre du bas empire. Satigny leur doit sa vocation viticole. Puis, très tôt, une présence chrétienne à cet endroit, caractérisée au cours des siècles par une succession d’églises de styles et d’affectations différents : lieu de culte pour le voisinage, mais, le plus souvent, cimetière adossé au bâtiment et, pour les plus riches et les plus considérés, crypte funéraire et mausolée.

Ce qui m’a le plus captivé est l’avènement à Satigny d’un prieuré de chanoines, d’abord autonome avant de tomber sous la coupe de l’évêque de Genève et de son Chapitre, séduits par les revenus du prieuré. Sans doute, font aussi remarquer les historiens, les dignitaires ecclésiastiques de Genève avaient-ils le souci de ramener à une vie plus régulière la poignée de chanoines qui avaient tendance à déserter leur cloître. Quelques années avant la Réfomation, les mêmes dignitaires obtinrent du pape Jules II la suppression pure et simple du prieuré de Satigny, ne maintenant sur place que le curé, son sacristain, et le préposé chargé de ramener à Genève les bénéfices.

Parcourant le livre, je note que les religieux qui résidaient au Prieuré de Satigny appartenaient à la famille des chanoines réguliers observant la Règle qu’une vénérable tradition attribue à saint Augustin. Voilà qui ne saurait laisser indifférent le dominicain qui signe ces lignes puisqu’il a promis lui aussi de suivre cette Règle. Il en existe deux versions : l’une assez lâche dans sa formulation et ses exigences ; l’autre nettement plus austère et même monastique. Les chanoines de Satigny suivaient la forme la plus légère qui leur imposait cependant la vie commune, l’office choral, le servie sacramentel et l’hospitalité. Ce qu’ils réalisèrent tant bien que mal, malgré leur petit nombre et leur assujettissement au Chapitre cathédral.

Jules II ayant dissous leur prieuré, les rares chanoines survivants adhérèrent au clergé séculier et ne tardèrent pas à se convertir au « vrai évangile » le jour où, en 1536, Guillaume Farel leur donna l’ordre de ne plus célébrer messe et sacrements. A partir de cette date, des prédicateurs itinérants envoyés par le Conseil de Genève vinrent suppléer aux chanoines disparus, avant qu’un pasteur sédentaire ne s’établisse dans leur cloître. Une nouvelle page d’histoire se tourne et continue de s’écrire à ce jour. L’église canoniale devenue temple protestant connaîtra au cours des cinq derniers siècles d’importantes transformations et restaurations qui donneront à ce lieu son aspect d’aujourd’hui.

Pourquoi cette recension ? Non seulement pour satisfaire à ma curiosité, mais par intérêt pour ce lieu qui pendant des siècles a attesté, sans doute sous des formes approximatives, la réalité d’une « transcendance » ancrée dans le cœur de l’homme et qui dépasse le cadre ordinaire de ses préoccupations.

En ce sens, l’église de Satigny pourrait devenir un lieu de pèlerinage – comme celui de Rocamadour – fréquenté par ceux et celles qui éprouvent un besoin de « spiritualité » sans qu’il ne soit lié à une institution. Aujourd’hui, ces pèlerins sont « légion ».

Les Eglises chrétiennes qui se sont succédées sur le site « magique » de Satigny devraient en tenir compte. D’autant plus qu’elles prétendent mettre un nom à cette « transcendance ».

© Éditions Favre

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