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Séjour « providentiel » dans une prison sud-africaine

  • Fr. Guy

Notre frère Mike Deeb

Le frère Mike Deeb est un dominicain sud-africain avec de profondes racines enfouies dans la montagne du Pays des Cèdres. Mais c’est en RSA et non au Liban que notre frère est né et a grandi. Sous le régime de l’apartheid.

Avant d’entrer dans notre Ordre, Mike était enseignant dans la ville du Cap au sein d’un collège réservé à de jeunes étudiants métis. L’état d’urgence avait été proclamé dans le République. C’est donc sans procédure judicaire que le 11 novembre 1985 Mike fut arrêté à son domicile par la police local de son quartier. Il était accusé avec d’autres professeurs d’avoir fomenté ou approuvé une manifestation publique des élèves de son collège. Mike était alors âgé de 32 ans. Il passera 50 jours de détention dans la prison Pollismor qui hébergeait aussi des condamnés de droit commun. Dans un établissement pénitentiaire voisin réservé aux Noirs était alors détenu Nelson Mandela. Mike fut libéré le 30 décembre 1985 grâce à l’intervention du ministre responsable de l’ordre public (Law and Order). Après avoir vécu un Noël seul dans sa cellule, il aura la joie de fêter avec les siens sa libération et l’avènement d’une année nouvelle qui le rapprochait de l’abolition de l’apartheid survenue cinq ans plus tard, le 30 juin 1991.

Avant son incarcération, Mike était résolu de devenir dominicain. Il entrera au noviciat à Maseru (Lesotho) le 25 janvier 1986, un mois à peine après sa libération. C’est au cours de ce temps de « retraite » qu’il rédigea son texte « Facing Detention » à partir de notes manuscrites écrites en prison et qui échappèrent par miracle à la fouille qui précédait sa libération. Ce texte devait paraître en deux parties dans deux livraisons de la revue dominicaine sud-africaine « Grace and Truth » : le numéro 3 de l’année 1986 et le numéro 1 de l’année 1987.

Ce document – exceptionnel – de 25 pages de format A4 devait demeurer méconnu de la plupart des frères dominicains vivant hors de la RSA. Le rédacteur de cette note en eut connaissance tout récemment, quelques 35 ans après sa publication dans la revue « Grace and Truth », grâce à une confidence du frère Mike hôte du couvent de Genève en tant que responsable de la Délégation de notre Ordre auprès du Conseil des Droits de l’Homme. Avec son autorisation, une amie du couvent a procédé à une traduction française de ce document, relue et approuvée par son auteur. L’original anglais et la version française sont désormais disponibles à la Bibliothèque de la communauté dominicaine de Genève.

Ce texte, il faut le préciser, n’est pas un récit ou le relevé d’un journal de détention, mais une somme de réflexions suscitées par une expérience carcérale. Impossible dans cette note d’en détailler tous les aspects et d’en relever toute la richesse. Chaque lecteur en fera son miel. En voici trois facettes qui peut-être donneront l’envie de lire le document en son entier.

Tout d’abord, Mike se considère comme un privilégié dans sa prison. Surtout, quand il compare les conditions de sa détention avec celles d’autres prisonniers. En particulier les Noirs enfermés dans une geôle voisine. Il est sévère pour les policiers qui l’ont arrêté sans ménagement au petit matin et met leur incivilité sur le compte de leur déficience mentale et intellectuelle. Mais il n’a pas été brutalisé ni torturé. Il entretient des rapports humains avec ses gardiens, apparemment plus civilisés. Les visites ne lui manquent pas et il se sait soutenu à l’extérieur par sa parenté et des amis. Le plus pénible est l’incertitude qui pèse sur la durée ou l’évolution de sa détention.

Mike est convaincu de la légitimité de sa cause et exige qu’on respecte ses droits fondamentaux de prisonnier. Il ira jusqu’à s’associer à une grève de la faim pour les faire valoir. Cette résistance non violente, persévérante et tenace, l’empêche de sombrer dans une fatale dépression. Ce combat est le facteur clef de sa résilience. Le futur responsable de « Justice et Paix » de l’Ordre dominicain s’en souviendra des années plus tard. Ce passage en prison l’aura préparé à cette mission.

Enfin, ce séjour permit à Mike de rendre plus actives et fécondes ses énergies spirituelles. Les aumôniers ne l’ont guère aidé à les réveiller, pas plus que les offices religieux retransmis par radio. Mais alors la fraternité et la solidarité qui l’unissait à d’autres prisonniers, allant jusqu’à se retrouver – mais comment ? – dans des moments de prière et de méditation, voire de contemplation collective, chacun dans sa cellule, assis sur les rebords de sa fenêtre, les pieds se balançant dans le vide hors des barreaux pour admirer ensemble un coucher de soleil. Etonnant !

En conclusion de son écrit, Mike reconnaît que cette expérience douloureuse lui fut finalement providentielle.

Le frère Mike Deeb (YouTube, capture d'écran)

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