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Semper reformanda Ecclesia

  • Fr. Guy

Sept dames en colère

Laure Blanchot – Isabelle de La Garanderie – Véronique Margon – Anne-Marie Pelletier – Lucetta Scaraffia – Anne Soupa – Marie-Jo Thiel : Se réformer ou mourir. Sept théologiennes prennent la parole. Editions Salvator 2023, 181 pages.

Il est surprenant que ce soit l’éditeur lui-même, en l’occurrence Salvator, qui prenne l’initiative de solliciter les auteures dont il souhaite publier les réflexions. A-t-il flairé le bon sujet et la bonne affaire en invitant sept théologiennes bien connues des catholiques francophones de s’exprimer sur les maux dont souffre leur Eglise et de proposer quelques remèdes capables de retarder sa disparition ? Depuis la fameuse déclaration du cardinal Ratzinger prétendant que la barque de Pierre prenait l’eau de toute part, ce sujet est devenu à la mode et même « bateau ». D’où l’intérêt de certains éditeurs. D’autant plus que les abus sexuels ou de direction spirituelle ne sont pas les seuls à devoir être dénoncés.

Le présent recueil est suffisamment bref pour permettre à tout lecteur intéressé et pressé d’en faire rapidement le tour. Le recenseur, cependant, n’a choisi que deux contributions. Il s’est laissé guider non seulement par la personnalité de deux théologiennes, mais surtout, par le contenu de leurs apports. Je veux parler d’Anne Soupa et de Marie-Jo Thiel.

Une Eglise peut en cacher une autre

Anne Soupa, « Comité de la jupe » après avoir été invectivée par un ancien archevêque de Paris qui apparemment ne supportait pas très bien la proximité de femmes dans l’appareil clérical. C’est pourquoi, le texte d’Anne Soupa ne vise pas d’abord les abus, mais la structure de l’institution cléricale marquée depuis des siècles par le pouvoir masculin et l’inféodation des femmes.

Présidente également de la Conférence catholique des baptisés francophone, elle n’accepte pas d’autres sources et légitimations des ministères ecclésiaux que le sacrement du baptême qui ne souffre d’aucune exclusion fondée sur le genre.

Ceci dit, qu’on souscrive sans réserve aux propos d’Anne Soupa ou qu’on trouve de bonnes et de moins raisons pour les trouver détestables, je parie qu’un consentement unanime accompagnera les dernières lignes de son intervention. Elles restituent la confiance et justifient le titre de son exposé : « Une Eglise peut en cacher une autre ».

En effet, notre théologienne estime que toute réforme de l’Eglise doit tenir compte de ses trois finalités : annoncer une Bonne Nouvelle, faire advenir un Royaume à la fois là et encore à venir et obéir au commandement de l’amour rappelé par Jésus. Ce programme assurément rénovateur suppose comme fondement la foi en la résurrection de Jésus. Notre auteure la trouve insuffisamment proclamée de nos jours.

Je me permets de citer les derniers mots de cette contribution : « Que la finalité christique de l’Eglise, épurée, scintillante, émerge de l’obsolescence de sa structure. Pouvons-nous envisager que le cœur du christianisme commence seulement de battre ? Dans ce voyage vers l’Eglise cachée, l’Evangile est notre viatique, notre vrai trésor. Rien d’autre, alors, n’a d’importance que de lui donner notre chair pour qu’il avance avec nous sur des chemins neufs. » 

De la tutelle à la capacitation

Marie-Jo Thiel, médecin et théologienne, professeur émérite de l’Université de Strasbourg, est sans doute mieux connue des milieux académiques qu’Anne Soupa. Sa bibliographie, ses contacts, son écriture, parfois ardue, le prouvent. Mais son audience est grande dans l’Eglise, de même que ses ouvrages consacrés aux abus et à leur prévention. Le titre de sa contribution à ce recueil témoigne d’un changement de cap social et religieux : les femmes placées sous la tutelle masculine, en Eglise comme partout, sont désormais reconnues capables d’assumer des fonctions qui leur étaient jusque là interdites. Leur voix se fait entendre et leur volonté s’affirme. Notre auteure parle à ce sujet d’un « kairos », un terme biblique qui signifie un moment favorable dont il faut percevoir toutes les richesses et espérances.

La première partie de la contribution de Marie-Jo Thiel est d’observer et d’écouter des femmes qui puisent dans leur liberté chrétienne la capacité de se libérer des tutelles et de s’assumer en baptisées responsables. Un refrain bien connu, mais avec Marie-Jo Thiel, riche en exemples et expériences. Notre auteure insiste sur le fait que les individus masculins ont tendance à se volatiliser dans l’Eglise. De là, la multitude d’engagements ecclésiaux devenus possibles aux femmes d’aujourd’hui et assumés le plus souvent avec compétence et générosité. Cette nouvelle capacitation des femmes, selon notre auteure, est un « signe des temps » évoqué déjà par le pape Jean XXIII dans la Constitution « Gaudium et Spes » de Vatican II.

Marie-Jo Thiel fait aussi référence au Synode allemand pour désigner sous l’expression « signe des temps », négatif celui-là, toutes les violences faites aux femmes. Un signe qui convoque théologiens, historiens, sociologues et autres scientifiques. Le chemin de la réforme de l’Eglise nécessite ce détour à travers une recherche rigoureuse et dépourvue de tout préjugé. Marie-Jo le confirme par les exemples convaincants qui abondent dans son texte.

Mais ne lui parlez pas de légitimation du sacerdoce masculin au nom de la similitude du genre qui unirait les prêtres d’aujourd’hui au charpentier de Nazareth. De même, elle rejette les expressions symboliques (vierge-mère) qui définiraient la place des femmes dans l’Eglis. Elle parle plutôt de « gâchis » quand d’authentiques spirituelles dont elle cite les noms ressentent en elles un appel à la prêtrise et qui ont été rejetées ou confinées dans des emplois subalternes et même dégradants.

Marie-Jo ne nie pas les différences entre hommes et femmes. Mais elle s’insurge quand ce clivage discrimine et devient source de pouvoir, voire de mépris. En particulier dans une Eglise qui affirme que « nous ne sommes plus des grands à la façon du monde, mais d’abord des petits, humbles et pauvres de cœur ».
 

© Éditions Salvator

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Commentaires :

  • user
    Juliette Lambert 25/03/2024 à 16:01

    Lucetta Scaraffia a 75 ans. Anne-Marie Pelletier a 77 ans. Anne Soupa a 76 ans. Marie-Jo Thiel est une adolescente par comparaison, âgée d'à peine 66 ans. Alors au lieu de les appeler un groupe de "dames en colère", vous devriez peut-être les qualifier de mamies enragées. Mais oui, sûrement que cette équipe de pensionnaires détient la clé de l'avenir et constitue une avant-garde qui nous montrera la voie vers des lendemains meilleurs.