Sous l’aile de Dorothée

Je viens d’achever un pèlerinage au Ranft, à l’ermitage du Bruder Klaus, à deux pas de Bethanien, maison d’accueil qui fut autrefois dominicaine, gérée de nos jours par la communauté du « Chemin Neuf ».

J’ajoutai cette année un nouvel itinéraire : une excursion à Stalden sur l’autre rive du lac de Sarnen, pour humer le sol natal de Dorothée, l’épouse de Nicolas. A l’intérieur de l’église du village, une étonnante statue, celle du couple, taillée dans le bois. Dorothée, les yeux mi-clos, légèrement penchée vers son époux dont le regard est tendu vers un mystérieux lointain.

Un petit livre de 59 pages approfondit ma découverte : « Nicolas et Dorothée. Si loin-si prés », paru en 2018 à la Bruder-Klausen-Stiftung à Sachseln.  

En fait, le résumé d’un ouvrage allemand plus épais, œuvre de Nadia Rudolf von Rohr et Niklaus Kuster, intitulé « Fernnahe Liebe. Niklaus und Dorothea von Flüe » paru en 2017 chez le même éditeur.

Non plus la biographie d’un homme de Dieu, séparé et isolé des siens, mais celle d’un couple affrontant en commun des choix qui les dépassent l’un et l’autre.

Grâce à ces minces pages, j’ai pu resituer Nicolas dans son contexte de père et d’époux, mais aussi assister à l’éveil de sa vocation – pas si étrange à son époque – de pèlerin, puis d’ermite et enfin de starets.

Un appel vécu à 500 mètres de sa ferme.

Sans l’aide de son épouse qui l’accompagna dans son choix, cet homme aurait pu sombrer dans une profonde mélancolie et, s’il avait vécu à une autre époque, finir ses jours dans un hôpital psychiatrique où sa famille l’aurait fait interner.

Mais les chrétiens de son temps, non encore sécularisés, croyaient en une transcendance ou un ailleurs qui ne se confondait pas avec leur quotidien.

J’ai mesuré aussi la souffrance secrète de Nicolas de n’avoir pas été suivi par ses deux fils aînés, intéressés par les honneurs et la considération politique et soucieux de s’enrichir grâce au servie mercenaire.

Un tout grand livre que ce petit livre !