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Symphonie missionnaire

  • Fr. Guy

En marge du dimanche de la mission

Dans certains milieux que je ne qualifierai pas, le mot « mission » est devenu odieux et nauséabond. Une expression indécente, associée ou adossée à celle de colonialisme dont on réclame à grands cris réparation. Précisément, on accuse la « mission » d’avoir dépouillé les peuples « indigènes » de leur trésor culturel et religieux, de les avoir en quelque sorte dénaturalisés en leur imposant une identité religieuse étrangère à leur mode de vie et de penser.

Effectivement, la mission n’a pas bonne presse, surtout quand on la confond avec des entreprises coloniales contestables dont elle aurait été, dit-on, l’alliée et même la complice. On lui préfère désormais l’expression « témoignage », fort à la mode chez les chrétiens de notre temps. Un mot passe-partout, souple, malléable à souhait et adaptable à toutes les situations.

Il n’est pas nécessaire d’être expert en histoire des religions pour relativiser ce jugement défavorable porté sur la « mission ». J’ai vu de mes propres yeux, alignées dans des cimetières de Bangui ou de Grand Bassam, les tombes de jeunes gars de chez nous fauchés par les fièvres avant d’avoir atteint la trentaine. Ils n’étaient pas partis en mission pour se remplir les poches, mais pour mourir sur ces terres lointaines, sans espoir de retour. Ils en avaient même fait le serment avant leur grand départ.

Bien sûr, il y eut dans leurs rangs quelques chasseurs d’éléphants et d’autres encore, moins recommandables. Nous le savons : « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie », disait François de Sales, expert en humanité. Mais cette judicieuse remarque ne nous autorise pas à tout confondre. A ses origines, la « mission » chrétienne était sans équivoques possibles. Son objectif était clair : annoncer aux peuples qui l’ignorent une excellente « bonne nouvelle ».

Quelle « bonne nouvelle » si ce n’est celle annoncée aux bergers par les anges de Noël ? A savoir la libération des cœurs et des corps prisonniers et meurtris. Une parole accompagnée d’actes précis dont sont témoins les innombrables écoles, ateliers et dispensaires, sans oublier les forages de puits, les ponts, les chemins et les passerelles et même l’élevage des porcs et la culture des tomates. J’ai vécu en Afrique la période où l’encyclique « Populorum progressio » (1967) faisait loi. Elle s’inspirait du Père dominicain Joseph Lebret qui déclarait que le mot « développement » était le nouveau terme pour désigner la « mission ».

Bien sûr, tout cela nous paraît très éloigné et dépassé. Les missionnaires européens au long cours ont disparu. Mais il en est beaucoup d’autres, « sans avion ni bateau », pour reprendre une expression de Madeleine Delbrël. Dans un monde « sans cœur » (Rom.1,31), un simple sourire dans un bus ou un couloir de métro est déjà le prélude du « Gloria » de Noël. Même si beaucoup ignorent le sens de ses paroles, l’essentiel est qu’il se chante. Le jour viendra où ils découvriront le nom et la personne du chanteur qui a inondé le monde de sa chanson et mis en route une foule d’hommes et de femmes qui marchent à sa suite.

Parmi ces missionnaires de nouveau genre, je compte aussi les prêtres, religieuses et religieux venus chez nous d’Afrique ou d’Asie. Non pas pour « planter » une Eglise enracinée depuis des siècles dans notre terroir, ni pour la restaurer à l’ancienne, mais pour chanter au milieu de nous le « Gloria » de Noël. A leur rythme bien sûr, tout en respectant le nôtre. Ils ne feront pas de nous des Congolais, des Rwandais ou des Vietnamiens. A l’exemple du cardinal Lavigerie qui interdisait à ses « Missionnaires d’Afrique » de transformer leurs néophytes en Français, Britanniques ou Portugais.

La mélodie de Noël – celle de la mission – ne peut être chantée qu’en chœur symphonique. Non à l’unisson.

Image réalisée par Dawn Hudson (CC0 domaine public)

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