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Taulignan

  • Fr. Guy

Le poète et les moniales

Je crois avoir entre les mains les derniers propos publiés de Philippe Jaccottet (1925-2021). Il s’agit de quelques notes éparses que l’éditeur Gallimard a fait paraître dès le lendemain de la mort du poète vaudois, survenue à Grignan le 24 février de cette année 2021. Un fascicule de 44 pages contenant des sujets discontinus qui ont marqué la sensibilité du poète parvenu à son arrière-automne.

Le titre de l’ouvrage « La Clarté Notre-Dame » fait tilt à mes oreilles et me ramène au monastère du même nom, sis à Taulignan à quelques encablures de Grignan là où vécut le poète. Grâce à Sœur Marie-Pascale, fondatrice du monastère de Rweza au Burundi et ancienne prieure de La Clarté, j’eus mainte fois l’occasion depuis mon retour d’Afrique en 1989 de séjourner à Taulignan pour une cure spirituelle, baigné par le chant des cigales et celui des moniales, lisant et méditant dans « le cloître vert » à l’abri du mistral.

Et voici qu’au cours d’une promenade sur ce plateau provençal « vaste et comme vide, paisible et gris », dominé au loin par le Ventoux capuchonné de blanc, notre vieux poète perçoit distinctement dans le lointain le tintement cristallin d’une cloche perchée on ne sait où. Une brèche, une déchirure dans ce paysage silencieux qui ne lui évoque pas forcément la présence du divin. Même s’il finit par se rendre compte que ce tintement est un appel aux Vêpres ou à Matines. Il le dit lui-même : « Respectueux comme je le suis resté de l’univers religieux, même si je ne m’y baigne plus depuis longtemps et n’y ai tout compte fait jamais baigné vraiment, je n’ai aucune raison d’en exclure l’idée ».

« Une vraie cloche » précise-t-il, en s’approchant du monastère d’où venait ce tintement. Il sait maintenant à quoi il devait servir et imagine « qu’en l’entendant, les rares sœurs habitant ce couvent au beau nom de La Clarté Notre-Dame devaient quitter, l’une un jardin dont elle ameublissait le sol pour quelques semis de printemps, d’autres leur atelier de reliure ou la cellule à l’abri de laquelle, peut-être la plus âgée d’entre elles s’était un instant reposée ou recueillie ; à l’image de ces petits troupeaux qu’un enfant berger essaie de conduire à l’abreuvoir avant de les rassembler dans leur enclos ; sauf que c’était là quelques agnelles silencieuses, obéissantes et cherchant à maintenir ou à accroître encore au fond d’elles-mêmes la mansuétude et la pureté de leur maître… » (15-16).

Le Seigneur est mon berger. De qui aurais-je crainte ?

Philippe Jaccottet (image : Erling Mandelmann/Wikipédia. Cette image est sous licence internationale Attribution-ShareAlike 3.0 Unported (CC BY-SA 3.0))

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