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Traces d’un passant

  • Fr. Guy

La recension du fr. Guy Musy d'une nouvelle autobiographie de Franz Emmanuel Muheim

« Traces d’un passant »[1], titre inspiré par François Cheng à un livre autobiographique de Franz Emmanuel Muheim, qui surgit dans ma vie d’un lointain passé presque évanoui. En fait, nous avions partagé il y a fort longtemps quelques mois de noviciat dominicain

Cet ouvrage a nécessité trois ans de labeur à son auteur. Il n’aurait jamais entrepris sa rédaction sans l’aide du clavier de son ordinateur qui lui permit de lisser, corriger, remanier son manuscrit et le faire relire par un cercle d’amis experts en écriture. Un travail d’orfèvre au service d’un parcours de vie de quatre-vingt-huit  printemps, sans pourtant y apposer le sceau final. Un couronnement, en quelque sorte, célébré dans  la paix du soir d’un village de Gruyère.

Cette autobiographie n’a pourtant rien d’un fleuve tranquille. Selon son auteur, elle est faite de ruptures successives. La première fut l’isolement de l’adolescent dans un sanatorium et l’ultime qui se profile sera son adieu - définitif ? - à la vie. Entre deux, une carrière diplomatique qui a comblé Franz Muheim. Aucu indice de grave déception, mais un concert de louanges et de reconnaissances pour celles et ceux qui furent à ses côtés. A commencer par sa chère Radmila, son épouse et son amie de toujours. Alors une vie tranquille comme un ciel serein, sans brume ni nuages ? Je n’en suis pas certain. Franz mentionne quelques désagréments dont sont responsables des personnes de son sérail, mais dont, très diplomatiquement, il tait les noms.

Aucun excès d’humeur, même quand le diplomate exprime son dégoût de la guerre, heureux d’être au service d’un pays dont la neutralité permet d’apaiser des conflits et mettre du baume sur les plaies des victimes. Pas étonnant que Franz s’épanouisse davantage dans la gestion des « affaires multilatérales » plutôt qu’en réglant les vétilles confiées à un ambassadeur en poste à Londres. Même s’il lui est arrivé de prendre le thé en compagnie de la souveraine sous les lambris du Palais de Buckingham.

Une fibre humaniste incontestable qui puise aux sources des meilleurs penseurs, poètes, musiciens, scientifiques de notre hémisphère. Il partage leur questionnement et leur faculté d’admiration. Que de références à des célébrités que Franz prend comme modèles ! Un parfait « honnête homme », comme il était bon d’en rencontrer au XVII siècle, et comme il est toujours bon d’en croiser de nos jours. Demeure toutefois que l’homme m’intéresse davantage que le diplomate. J’ai donc donné plus d’attention aux premiers printemps de sa vie ainsi qu’à son arrière-automne plutôt qu’à sa carrière diplomatique.

A mon tour, de le citer, en reproduisant quelques unes de ses lignes qui me paraissent révélatrices de son être profond :

 « Toute parole, tout acte de méchanceté créant de la souffrance contient un ingrédient criminel. Rendre quelqu’un triste, est un crime, disait Simone Weil. Cela se produit tous les jours. » p.135

« Un des plus grands défis de l’âge est d’apprendre à intégrer en soi ce que l’on s’est toujours refusé d’accepter, de reconnaître que le mal est là, en nous aussi, tout comme le bien, et que les deux sont indissociables, qu’ils ne pourraient exister l’un sans l’autre. Dur apprentissage (…) si on parvient à le mener à son terme. » (p. 145 )   

« On ne se sent pas vieux, mais on se sent vieillir…Mais le plus importants des voyages, le voyage intérieur, demeure un projet non seulement possible, mais toujours vivant. ». (p.146)

« Pour l’heure, j’aime penser qu’il y a à découvrir en nous, je dois le dire une fois encore, une espérance comme un pressentiment, que tout ne se termine pas avec la mort, qu’elle pourrait être l’ultime refuge de l’âme jusqu’à la « fin des temps » - une question posée et qui le restera tant que nous serons en vie. Nul ne sait et nul ne doit savoir. (…) Il n’y aura pas de réponse puisque le silence est « éternel ». Le mystère fait partir de l’essence même de notre vie. » (p.167)

 

 


[1] Franz Emmanuel, Muheim : Traces d’un passant, ed. Cabedita, Bière 2019.

Cabédita Editions

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