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Un « ange » en EMS

  • Fr. Guy

Une apparition réjouissante

Véronique Lang : Mon pays c’est la relation. Accompagner des personnes âgées, Editions Médiaspaul, Montréal 2021, 134 pages.

Non, mon pays n’est pas l’hiver, comme le chantait Gilles Vigneault dans ce Québec où l’auteure vécut plusieurs années, mais « la relation », une expression empruntée à un autre poète, greco-genevois celui-là, Georges Haldas, reprise en exergue de ce petit mais merveilleux ouvrage.

Véronique Lang n’est pas une inconnue pour l’auteur de ces lignes. Sa famille est proche et amie de son couvent et de sa paroisse. Véronique fut d’abord enseignante à Genève, avant de rejoindre au Québec un centre ignatien où elle se forma en accompagnement spirituel et mit en œuvre cette compétence durant plusieurs années au Canada. De retour au pays, la voici « aumônière », si ce mot à encore un sens pour elle, dans trois maisons de retraite sises dans l’arc lémanique.

Son petit livre, que je n’hésite pas à qualifier de chef d’œuvre, écrit avec finesse et élégance, rend compte au fil des jours des activités de Véronique et de la joie qu’elle éprouve à rencontrer des personnes que le commun des mortels juge diminuées du fait du ralentissement ou de l’extinction progressive de leurs facultés cognitives. A force de patience, d‘attention, de délicatesse et de respect, mais encore de tendresse et d’amour, Véronique explore et fait resurgir un continent immergé, très différent de celui où s’agitent des humains hyperactifs, axés sur le modèle de la rentabilité rapide et efficace. Le monde que fréquente Véronique, au contraire, ne sert à rien, si ce n’est à aggraver la facture sociale. Il est décalé du premier qui se prétend rationnel. Mais il n’est pas moins riche pour autant et dispose de ses propres lois. Ce n’est pas la raison raisonnante qui permet d’y accéder, mais « l’émotion ». De ce monde mystérieux, enfoui comme l’Atlantide, Véronique donne l’impression d’en détenir la clef.

De plus, notre auteure accompagnatrice ne nous fait pas découvrir ce continent à travers de lourdes considérations abstraites sorties tout droit d’un colloque scientifique rassemblant gérontologues, psychiatres et sociologues, mais elle procède par touches successives où interviennent avec elle des pensionnaires désignés par leur patronyme. (Est-ce leur nom authentique ou un pseudonyme respectueux de leur identité ?) Ce procédé, sans être anecdotique ou voyeuriste, rend la lecture de ce livre aisée et passionnante sans que son contenu ne perde de sa qualité et de son intérêt.

Parmi tant de sujets qui pourraient faire l’objet de d’une conversation avec Véronique il y a cette question : aumônière de maisons de retraite, envoyée en ces lieux par une Église, lui arrive-t-elle d’évoquer avec les pensionnaires l’existence ou la présence de Dieu ? Elle ne se dérobe pas et aborde ce sujet avec délicatesse et respect, tout en s’interdisant de « récupérer » ses interlocuteurs. Son cahier de charges prévoit aussi des célébrations qu’elle doit animer revêtue d’une aube blanche réglementaire, alors qu’elle se défend de n’être ni pasteure ni « prêtresse ». Quant aux sacrements, le seul qu’elle puisse conférer – pour l’instant – est celui de sa présence, bien réelle elle aussi, accompagnée de vieux cantiques qui ouvrent la porte d’un « Au-delà », jamais absent, quoique profondément enfoui. Cette présence mériterait d’être un jour nommée si celui ou celle qui l’évoque le souhaitait.

Avant que le livre de Véronique me tombe sous les yeux, j’avais sur mon bureau « Les fossoyeurs », un ouvrage du journaliste d’investigation Victor Castanet, paru chez Fayard en janvier de cette année 2022 et qui défraya la chronique. Après une longue enquête visant certains Ehpad français, notre journaliste révèle et dénonce la maltraitance dont sont victimes les aînés pensionnaires dans ces établissements. Malgré la générosité, le dévouement et le courage de plusieurs membres de leur personnel. Le tableau est sombre et désespérant. Me revient en mémoire ce verset psalmique qui parle d’un « troupeau parqué pour les enfers que la mort fait paître ». La lecture du livre de Véronique m’apporta le contre-point nécessaire à cette révélation désolante. Non seulement, elle fait renaître la joie chez ceux et celles qu’elle accompagne, mais elle-même ressuscite à leur contact.

© MEDIASPAUL

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