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Une réserve d’Indiens disparaît en Romandie

  • Fr. Guy

Dissolution de la plateforme « Foyers mixtes »

Le site cath.ch claironne aujourd’hui la dissolution de l’Association « Foyers Mixtes » née dans le sillage du dernier concile et du réveil œcuménique qui l’avait précédé et suivi. Son objectif était de susciter dans les familles dont les parents appartenaient à des confessions différentes une communauté familiale prophétique, anticipation d’une Eglise enfin réunie. Non que ces foyers devaient se séparer des Eglises d’où ils étaient issus, mais partager en famille toutes leurs richesses.

Ces foyers auraient dû stimuler le dialogue interconfessionnel et donc recevoir la bénédiction des responsables ecclésiaux. En fait, il n’en fut rien. « La mayonnaise n’a pas prise », constate avec une pointe d’humour teinté d’amertume le pasteur Jean-Baptiste Lipp qui fut en Suisse Romande un des pionniers de ce mouvement. Après plus d’un demi siècle d’activités, l’heure est venue de déposer le bilan et d’identifier les causes qui ont conduit à la dissolution de cette Association.

Les « Couples mixtes » se plaignent de n’avoir pas été compris ni soutenus par les responsables des diverses Eglises, et même comparés à « une réserve d’indiens » égarés en Romandie. Exception de taille à cette règle commune, Mgr Charles Morerod né de parents catholique et réformé. Lui du moins pouvait comprendre les données du problème.

Pourtant, le véritable obstacle à la poursuite de l’expérience ne fut pas le désintérêt des autorités, mais le dialogue œcuménique lui-même. Au fil des ans, il a perdu sa flamme jusqu’à devenir conventionnel et anachronique, victime des désillusions qu’il a produites. Aucune avancée doctrinale enregistrée depuis des décennies, uniquement de l’empathie et de la sympathie mutuelles, un « gentlemen's agreement ». On s’invite aux anniversaires, on partage ses temples et ses églises, on participe aux mêmes œuvres d’entraides humanitaires et sociales, mais on ne donne peu d’attention aux différences religieuses jugées périmées. La différence confessionnelle ne s’explique désormais que par des appartenances sociales ou régionales et par la fidélité à des traditions familiales qui elles aussi ont tendance à s’effacer.

Comment en sommes-nous arrivés à ce degré de laïcisation de nos convictions ? C’est la seule et unique question qui devrait à mon avis préoccuper ceux qui ont hérité du même évangile. Quelle que soit la confession dont ils se réclament. Dans ce décor, les « Foyers mixtes » font figure de village d’Astérix parvenu au terme de sa résistance et proche de sa reddition. Je voudrais non pas les consoler, mais les rassurer.

Tout d’abord, même si « Les foyers mixtes » en furent les rares bénéficiaires, ils devraient rendre grâce pour ce demi-siècle de rencontres, de découvertes communes, au-delà des clivages confessionnels et croire qu’ils n’ont pas démérité ni couru en vain. L’histoire de l’Eglise est faite d‘expériences semblables, éphémères dans la durée, mais dont la portée spirituelle ne se mesure pas en années ou au nombre d’adhérents.

Leur exemple a aussi encouragé, sans qu’ils ne s’en soient aperçus, d’autres groupes interconfessionnels extra-paroissiaux de Romandie. Je cite au hasard et sans exclusivité l’Atelier œcuménique de théologie, le Cursillo ou les Communautés de base, pour ne faire allusion qu’à ma petite expérience pastorale genevoise. La charité les a conduits parfois à franchir allègrement les barricades canoniques, sans qu’ils ne se culpabilisent pour autant. Ce que n’ont pas tenté de faire les « Foyers mixtes ». Mais parlerait-on d’Eglise aujourd’hui si Paul n’avait pas transgressé les lois juives qui conditionnaient le baptême des païens ? Il est vrai qu’en son temps l’Esprit-Saint jouait sa partition. J’ai peine à imaginer qu’il se soit tu aujourd’hui.

« La mayonnaise n’a pas prise » (photo : pxhere.com)

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