« Vieillissant, il fructifie encore ! »

Ignace de Loyola que nous fêtons aujourd’hui vient d’affecter à un autre service un membre estimé de sa Compagnie. Le théologien jésuite Joseph Moingt ne pouvait qu’obéir à son Supérieur. Il était dans sa cent-cinquième année.

Cet homme, ou plutôt ce penseur, a croisé ma route à quelques reprises. Ce théologien professeur eut le courage de remettre en cause non pas sa foi, mais sa façon d’en parler. Mai 68 l’avait réduit au chômage. Les étudiants avaient déserté les amphis de la Jésuitière de Fourvière où il enseignait. Il mit alors à profit ce congé sabbatique involontaire en se mettant à l’écoute de ce que les chrétiens « ordinaires » disaient ou comprenaient de l’Evangile. Joseph Moingt constata qu’un fossé abyssal les séparait des « docteurs » qui péroraient sur leurs chaires.

Coup de cœur ou coup de Trafalgar ? Notre Joseph vécut alors une révolution théologique copernicienne. Il se remit à l’ouvrage, mais sur de nouvelles bases : réfléchir sur la foi, non pas à partir de vieux traités et commentaires, mais à partir de la Parole de Dieu telle qu’elle s’incarne et se reflète dans la vie des croyants de son temps. Une réflexion féconde qui l’accompagnera au-delà de sa centième année.

Etonnant fut l’écho positif recueilli par Joseph Moingt auprès de jeunes chrétiens et chrétiennes à la recherche d’un Evangile vécu en vérité, loin d’un culte formel et de prescriptions canoniques périmées. Mentionnons en particulier son « Croire quand même. Libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme » paru en 2010 et, deux plus tard, son brulot : « Faire bouger l’Eglise catholique ». L’auteur comptait alors 97 ans !

Ses ennemis ou ses adversaires parlaient de radotages séniles. Mais la sagesse finit toujours par triompher et les événements ne cessent de lui donner raison.