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Y viennent plus !

  • Fr. Guy

Pourquoi les églises se vident-elles

D’emblée, j’ai une hésitation orthographique. Dois-je écrire : « Y viennent plus ! », ou alors, « Ils ne viennent plus ! » ? Mais peu importe la forme, romande ou parisienne, de l’expression, c’est le sujet qui me pose question. Qui sont donc ces absents que certains semblent regretter ? Ne cherchons pas de midi à quatorze heures. Ces« infidèles » fréquentaient jusqu’à ces derniers mois nos offices célébrés dans nos temples et nos églises. Que sont-ils devenus ? Morts ou déserteurs ?

C’est pour répondre à cette question lancinante que pasteurs et prêtres genevois se sont donnés rendez-vous ces prochaines semaines. La survie de leur ministère serait-elle en jeu ?

En fait, nos ecclésiastiques sont impuissants à faire face à une première catégorie d’abstentionnistes. Le Covid est devenu le bouc émissaire chargé de tous les péchés du monde. Même s’il ne fait déborder cimetières et crématoires, il retient désormais face à leur téléviseur qui transmet « Le Jour du Seigneur » beaucoup d’aînés, heureux de se trouver une bonne raison de ne plus s’asseoir sur une mauvaise chaise dans un bâtiment mal chauffé et mal sonorisé. Un tel sacrifice pour tendre l’oreille à un prêche le plus souvent insignifiant.

Alors, bienvenue à la seconde catégorie d’abstentionnistes. Combien de gens, de jeunes en particulier, ont quitté nos assemblées parce qu’ils s’y ennuient et ne comprennent rien de ce qui s’y dit et de ce qui s’y passe. La vérité est qu’ils n’appartiennent pas ou plus à la culture ou à la civilisation qui a fait naître et fleurir ces formes liturgiques. Et ce ne sont pas les cours publics de science religieuse et même les catéchèses les plus appropriées – il en est d’excellentes ! – qui vont palier ce manque. Une chose est de savoir, une autre est d’y croire.

Surtout, ne pensons pas que ces personnes ne sont pas habitées par un désir vague et confus de s’ouvrir à une transcendance qu’elles ne savent pas nommer. Ou alors, elles sont davantage accessibles à des formes de dévotions « populaires » qui n’ont pas cours dans la liturgie officielle. Citons, parmi tant d’autres, la récitation du chapelet, le chemin de croix, l’adoration silencieuse, les pèlerinages, etc. Certaines de ces dévotions étaient encore vivaces dans mon enfance. Elles ont disparu au cours des temps, comme le mois de Marie, la dévotion aux sept premiers vendredis du mois, les rogations, etc. Diverses et multiples, elles avaient ceci de commun qu’elles se célébraient en parallèle, à l’insu ou en l’absence du clergé officiel. Leurs adhérents ne se présentaient à la messe dominicale que sous le coup de l’obligation. Ils se réjouissaient tout de même d’y participer lorsque la liturgie de l’Eglise ajoutait à ses prescriptions ordinaires quelques touches physiques ou sentimentales, comme la bénédiction des rameaux, celle des gorges ou des anneaux de mariage, l’imposition des cendres, le chant des cantiques traditionnels de Noël au cours de la deuxième messe de ce jour récitée à l’autel à voix basse et en latin, les robes blanches et les brassards des premiers communiants, les chrysanthèmes… et j’en passe.

Ne pensez-vous pas que le temps est venu de restituer au peuple de Dieu une liturgie qui ne soit ni artificielle ni cérébrale, mais accessible aux sens comme à l’esprit ? Nos savants liturgistes devraient y songer. A moins de faire de leur art un récital pour une élite cultivée en serres chaudes.  

La troisième catégorie d’abstentionnistes est plus rétive. Elle est constituée d’hommes et de femmes qui ont quitté avec fracas ou sans bruit le navire, empêtré, selon eux, dans des scandales pédophiles. A cette perversion circonstancielle s’en ajoute une autre plus endémique. A savoir l’incapacité des Eglises à se réformer, sans trahir pour autant le message évangélique qu’elles ont mission de témoigner. Trop d’atermoiements, de replis, de conflits, secondaires et d’arrière-garde, au détriment du véritable évangile.

Et la quatrième catégorie ? De loin la plus nombreuse, mais aussi la plus indifférente. Ces « inconnus » ne sont jamais entrés dans un temple ou une église. En un mot, nous ne les intéressons pas. Ce qui ne les empêche pas d’être courtois à notre égard. Ils me font penser à ces Athéniens très polis qui renvoyèrent l’apôtre Paul à ses chères études le jour où ce missionnaire se mit dans la tête de leur parler de « résurrection ».« Sur ce sujet, lui dirent-ils, nous t’entendrons une autre fois ». Elégante façon de l’éconduire. Mais aussi vrai défi qu’ils nous lancent aujourd’hui.

Notre foi en la résurrection devrait être la seule réalité à nous inquiéter et à nous mobiliser. Non les mises en scène liturgiques, si belles et émouvantes soient-elles.

Notre désir tend vers une vie plus forte que toutes nos morts. Et avec nous, tous ceux « qui neviennent plus ». Une seule méthode pour y parvenir :prendre un air de ressuscités et agir en conséquence.

Nietzsche – qui ne nous aimait guère – nous le conseillait déjà.

 

Cet article a d'abord été publié sur cath.ch.

(photo : la rédaction)

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